Campagne en trompe-l’œil

Au Cameroun, chaque jour ramène son lot de faits divers, d’actes banals et routiniers, transformés en mélodrames médiatiques, ou en palabres cybernétiques.
Pour des raisons bien compréhensibles : la polarisation obsessionnelle de certains politiciens et leaders d’opinion sur les élections présidentielles de 2025, paraît pouvoir justifier toutes les manipulations et toutes les affabulations. C’est ainsi que l’opération de promotion des inscriptions sur les listes électorales, couplée à des concertations tous azimuts, entamée depuis plusieurs mois, par Elections Cameroon, l’organe en charge des élections, afin d’instaurer le dialogue et la confiance avec ses partenaires, est désormais récupérée dans les réseaux sociaux comme une campagne électorale anticipée, stratégique, menée par des groupes d’opposition dans le but de contraindre le pouvoir politique à la transparence et de préparer un raz-de-marée électoral.
En tout état de cause, on y tance et on y harangue sans réserve les citoyens, afin de s’assurer de leur inscription massive sur lesdites listes, gage d’une participation populaire et, croit-on savoir, d’un possible rebattage de cartes… On y conspue surtout Elections Cameroon et le pouvoir, accusés déjà « d’arnaque électorale permanente » Ce en dépit des réunions publiques organisées à travers le pays par le gouvernement et Elections Cameroon, en vue d’inviter les Camerounais, la diaspora et même les sympathisants des thèses sécessionnistes, à intégrer les listes électorales.
L’inscription sur les listes électorales ! Qu’est-elle au fond, et qu’est-elle d’autre, sinon une procédure essentielle relevant des missions régaliennes d’Elecam, des partis politiques et de certaines ONG dédiées ? Mais voici l’ordinaire des affaires publiques commué en une occasion de diatribes, d’imprécations indignées, sur fond de procès d’intention au gouvernement. En temps ordinaire, l’initiative de l’Etat et de ses mandataires apparaitrait comme une main tendue du pouvoir et un gage de bonne foi. A l’heure de l’hystérie préélectorale, certains veulent y lire un tour d’esbroufe gouvernementale.
Dans quel but ? Sans doute par pur calcul politicien, afin de créer une émotion collective. Cela s’appelle aussi du populisme. Et cela rentre dans le registre de grandes manœuvres préélectorales. 
On peut penser, à ce stade, que les Camerounais n’auront plus aucun répit jusqu’à la date fatidique des élections. C’est lorsqu’on a vu les influenceurs et même certains médias mainstream entrer dans la danse, que l’on a compris la véritable nature de cette « opération ». En plus d’apparaître comme l’un des travers funestes des réseaux sociaux : amplifier les colères et les tensions sociopolitiques, elle n’est rien moins qu’une tentative de conditionner négativement l’opinion publique. Certains influenceurs à qui la caméra donne de la visibilité sociale, ne se privent plus en effet de donner leur opinion privée sur le cours des choses, les affaires publiques et privées, les faits divers. C’est la garantie de leur notoriété. Car ils vivent pour faire le buzz. C’est pourquoi ils séduisent tant les politiciens… En s’engouffrant dans cette campagne sulfureuse d’inscription sur les listes électorales, ils contribuent à entretenir un climat de guerre civile permanente, à créer de la psychose chez leurs compatriotes, à mettre en alerte et sous une pression permanente les tenants du pouvoir.
A 18 mois de l’élection présidentielle, et dans un contexte national où de gros nuages planent encore sur l’économie, sur la paix, et alors qu’à l’international, les armes tonnent, plongeant le monde dans une profonde incertitude, on peut s’interroger sur les effets pervers d’une pareille manœuvre sur le climat social. Loin de nous l’idée de disqualifier tous les médias et tous les influenceurs dans le mouvement citoyen d’encourager la participation électorale ; ils sont dans leur rôle. Cependant, la tonalité particulièrement violente dont certains usent, les interventions physiques intempestives sur les lieux où se déploie Elecam, les soupçons jetés sur le gouvernement de refuser l’inscription à certains Camerounais de l’étranger, et de fausser le jeu, sans étayer suffisamment les accusations, ne peuvent que contribuer à semer le trouble et la confusion dans un processus que les Camerounais, et les observateurs aussi sans doute, souhaitent consensuel, transparent et paisible.
Si l’on admet que ces campagnes cybernétiques sont dans le principe, menées en toute légitimité, et que bon nombre d’influenceurs s’y adonnent de manière responsable, convenons que la rhétorique polémique de certains autres peut laisser à l’internaute le sentiment d’assister à un jeu pur et simple, un « clash &raqu...

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