Victimes collatérales, mais non résignées

Les dirigeants ont beau s’astreindre à une gestion prévisionnelle de la vie des nations, pour se donner les moyens de prévoir d’éventuels cataclysmes et d’anticiper le cours des événements afin de protéger les populations, il subsiste une large part d’inconnu voire de mystère, sur l’évolution du monde, quelle que soit la sophistication des modes et outils d’analyse. Face aux bouleversements profonds que vit notre époque, guerres, pandémie, extrémismes, aucun pays n’est jamais assez préparé. A la vérité, lorsque les experts prédisent des hécatombes, ils sont autant mus par leurs peurs intimes des audaces d’une science sans conscience et de ses conséquences potentiellement dévastatrices, que par des déductions purement rationnelles et empiriques découlant de leurs études.
Ainsi, si le président d’une grande puissance a pu annoncer, longtemps à l’avance, qu’une crise sanitaire était plausible à l’échelle mondiale et que son pays devait s’y préparer, on peut comprendre qu’une telle clairvoyance ne relève pas de la révélation mystique, mais bien de la certitude que les laboratoires d’armes bactériologiques construits en secret dans le but de préparer des guerres non conventionnelles, finiront par lâcher un jour dans la nature, accidentellement ou non, leurs nuisibles pensionnaires…
Dans cette logique, une partie de l’humanité sera toujours la victime collatérale des désordres naturels, certes, mais aussi d’actes irresponsables initiés quelque part dans le village planétaire, par des décideurs souvent pour des raisons d’orgueil et de suprématie entre pays ou blocs idéologiques. Nous en sommes là, malheureusement.
Le XXIe siècle naissant qui se présentait pourtant comme prometteur pour les Africains est devenu violence, le théâtre de prédilection de cette sinistre évolution : retour des idéologies clivantes, mondialisation des crises et du chaos subséquent. Souvenons-nous : de l’hydre terroriste à la terrible crise sanitaire en passant par la crise des prix des matières premières, synonyme ici de crise économique, jusqu’à la guerre russo-ukrainienne déclenchée il y a peu, les dégâts collatéraux se propagent partout au mépris des frontières. L’Afrique en aura été depuis 20 ans, une des plus grandes victimes. 
Et pourtant, cela n’est pas une fatalité et l’espoir de sortir de la nasse doit rester vivace. Au Cameroun, les leaders d’opinion, les élites, les classes dirigeantes et les médias doivent faire partager cette vision : le Cameroun n’est pas une île, mais une partie prenante de la mondialisation libérale. A ce titre, il souffrira comme d’autres pays des répercussions économiques de la guerre en Ukraine, mais devra se battre pour sortir de la crise par le haut. Cette situation peut d’ailleurs paraître absurde, dans la mesure où peu de Camerounais avant cette guerre auraient réussi à localiser l’Ukraine sur une carte du monde. Mais voilà que leur vie pourrait basculer du simple effet mécanique du conflit qui s’y déroule, et de la dérégulation des chaînes d’approvisionnement mondial d’énergie, de phosphates ou de céréales. 
On peut donc penser sans craindre d’être taxés d’alarmistes, que les Camerounais souffriront, comme ils souffrent déjà des conséquences économiques du Covid-19, qui a fragilisé l’Etat, les entreprises, les ménages, avec des pertes d’emplois, des licenciements et une certaine érosion du pouvoir d’achat. Tous ont fait recours alors à l’Etat-providence, qui n’avait plus les moyens de la prodigalité. Parce que confronté au plan interne à d’autres secousses d’envergure : la guerre contre Boko Haram, contre les sécessionnistes armés et contre un certain ralentissement économique. Même fragilisé financièrement, l’Etat a su user de son pouvoir régalien pour d’une part, réguler, recadrer, plafonner exceptionnellement certains prix, actionner tous les leviers possibles afin de limiter les effets négatifs sur la population. Car en effet, on a pu faire le constat que les opportunistes de la crise, en véritables charognards, créaient des pénuries artificielles pour exacerber l’inflation.
D’autres acteurs économiques, et non des moindres, entreprenaient un odieux chantage à l’Etat, sommé de baisser les taxes à l’importation, sous peine de pénurie des denrées alimentaires. En cédant à cette pression par fébrilité et par peur de l’opinion publique, qui ne perçoit souvent que les enjeux immédiats, le gouvernement se privait d’un moyen de régler la question de manière définitive. La guerre en Ukraine, si douloureuse qu’elle soit, devrait être l’occasion rêvée d’apporter une réponse durable à la dépendance du Cameroun aux importations de toute nature.
Dans cette nouvelle situation de crise, le gouvernement a déjà posé un jalon essentiel : il a pris acte dans la Nouvelle stratégie de dév...

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