Budget de l’Etat : quand la discipline manque

La préparation de la loi de finances 2023 a pris définitivement corps mardi dernier, avec la publication de la traditionnelle circulaire du président de la République, fixant les grandes orientations du budget du prochain exercice.

Le texte adressé par le chef de l’Etat au gouvernement et à tous ses démembrements est une véritable boussole qui, au moyens des éléments du contexte macro-économique, fixe les objectifs de l’action publique au cours de l’exercice prochain et définit les modalités de l’élaboration d’un budget de l’Etat conséquent. Exercice de routine certes, mais qui doit s’inscrire dans une logique de cohérence avec la politique de développement économique, social et culturel que mène le chef de l’exécutif.
Pour le cas d’espèce, le Cameroun est lancé depuis deux ans dans la mise en œuvre de sa Stratégie nationale de développement 2020-2030 (SND 30), qui s’attèle à rendre opérationnelle la deuxième phase de la Vision 2035, celle d’un Cameroun qui parvient au statut de pays émergent. Les piliers de la SND 30 sont connus et martelés dans pratiquement tous les discours depuis son entrée en vigueur, dont la transformation structurelle de l’économie camerounaise. Une économie devrait se départir progressivement mais résolument de la dépendance vis-à-vis des importations massives qui font pencher négativement la balance commerciale. C’est ce que les experts appellent « import-substitution », cette dynamique qui consiste en gros, à commencer à produire localement les biens et réduire au fur et à mesure, le volume des importations.
Dans ce contexte, les orientations données par le président de la République dans la circulaire relative à la préparation du budget de l’Etat font figure de ligne de conduite pour l’atteinte de l’objectif final. Car un programme aussi ambitieux que la Vision 2035 impose un minimum de discipline. Et la « transformation structurelle », dont il est généralement question, concerne aussi bien le système dans son ensemble que les mentalités, les attitudes et les habitudes des hommes chargés de la mettre en musique. Il faut bien se le dire, beaucoup trop de Camerounais à son service perçoivent encore l’Etat comme la vache à lait idéale, celle qu’il faut traire à l’extrême, même par temps de vaches maigres. Celle dont les ressources sont jugées inépuisables du moment qu’il s’agit de se remplir les poches, de servir les intérêts particuliers et souvent égoïstes.
Mais détrompons-nous et regardons autour de nous. Des modèles de pays ayant atteint le stade auquel nous aspirons, sont heureusement là pour nous inspirer. Aucun pays émergent parmi les plus en vue aujourd’hui (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud ou encore Turquie ou Corée du Sud) n’a pu sortir de l’eau sans s’imposer un minimum de rationalisation dans son organisation. Eh oui ! La fameuse émergence est aussi et surtout un état d’esprit. Une manière de voir son pays et le monde qui allient des valeurs comme l’ambition, la discipline, le patriotisme. Il ne suffit donc pas d’avoir affiché son ambition comme le Cameroun et d’autres pays du continent l’ont montré depuis une dizaine d’années. Il faut encore s’en donner les moyens. Tous les moyens nécessaires. Se délester des contre-valeurs – corruption, etc - qui tirent cette ambition vers le bas, et avancer résolument. Cela demande évidemment des sacrifices. Mais des sacrifices qui peuvent devenir moins douloureux dès lors qu’on ne perd pas de vue l’objectif noble que l’on recherche.
De toute façon, et comme le rappelle entre les lignes, le président de la République, l’ambition du Cameroun comme de tout pays candidat à l’Emergence est absolument incompatible avec l’indiscipline, cette tare rampante qui s’insère insidieusement dans le circuit de préparation du budget de l’Etat et qui plus tard montre son visage hideux lors de l’exécution de la loi de finances. Des dispositions ont une fois de plus été prises par le chef de l’Etat pour compliquer la tâche des prédateurs. Mais comme on sait, le monde de la finance sait se montrer rebelle à la bonne gouvernance. Et les actions d’assainissement se succèdent depuis une trentaine d’années sans que l’on soit parvenu à un stade de tranquillité absolue. L’ennemi ne dort décidément jamais.
C’est pourquoi le président de la République fait bien de rappeler au point 29 de sa circulaire, ce principe dont l’évidence ne semble pourtant pas partagée : « En matière de dépenses, un accent sera mis sur le réalisme et la sincérité des prévisions budgétaires ». Dans cette phrase lourde de sens, l’essentiel es...

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