Réformes de l'UA: le prix de la crédibilité

 La rationalisation de son champ d’action, son autofinancement et le réajustement de ses institutions se posent comme préalables.

En juillet 2016 à Kigali, les chefs d’Etat et de gouvernement africains avaient mandaté Paul Kagame pour réformer l’Union africaine (UA). En janvier dernier à l’occasion de leurs 28es assises tenues à Addis-Abeba en Ethiopie, le président rwandais qui s’est entouré d’un cabinet d’experts africains a rendu sa copie contenant un ensemble de réformes de nature à garantir plus de crédibilité et d’efficacité à l’organisation panafricaine. Trois propositions majeures constituent le socle de ce relookage.
Rationalisation du champ d’action de l’UA
Il est question de réorienter les champs d’action de l’Union qui devrait se concentrer sur quatre «domaines prioritaires» à l’espace continental. La paix et la sécurité, les affaires politiques, l’intégration économique et la dotation de l’Afrique des moyens pouvant porter sa voix à l’échelle planétaire. Pour plus d’efficacité, les chefs d’Etat et de gouvernement du continent entendent passer de deux à un sommet par an. En plus, pas plus de trois thèmes comptant parmi les questions «stratégiques» ne devraient leur être soumis.
Réajustement des institutions
Paul Kagamé et le groupe d’experts du continent, recommandent une «division claire du travail» entre l’Union africaine et les communautés économiques régionales, les États membres et les autres institutions continentales. Pour le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, il serait souhaitable que la Commission soit représentée dans chacune des communautés économiques régionales. Elle devra aussi être soumise à un audit institutionnel et opérationnel pour évaluer les «goulots d’étranglement» qui empêchent son bon fonctionnement. «Nous sommes sous et mal administrés. Il y a un certain nombre de dysfonctionnements», a-t-il déploré.
Autofinancement
de l’institution
Dans ses recommandations, ce plan de réformes porte également sur la dotation de l’Union africaine des ressources financières issues de ses membres. Afin de permettre à l’organisation de jouir d’une souveraineté financière et politique. Car, plus de 80% de son budget dépend des contributions des donateurs étrangers. D’où l’avènement de la «Taxe Kaberuka» du nom l’ancien président de la Banque africaine de développement (BAD) à l’origine de cette proposition. D’un montant de 0,2 %, elle sera prélevée sur certaines importations.
Pour Moussa Faki Mahamat, la mise en œuvre de ces différentes réformes constitue un défi important que les Africains doivent à tout prix relever.  «Nous sommes à un tournant  car  les défis auxquels nous faisons face nous commandent d’adapter notre outil dans un monde en plein changement.» Pour le président de la Commission de l’UA, la crédibilité et l’efficacité de l’institution en dépendent.

Interview

 Pr Joseph Vincent Ntuda Ebodé: «Chaque pays africain doit organiser sa défense»

Géostratège et directeur du Centre de recherches politiques et stratégiques (CREPS) à l’université de Yaoundé II-Soa

 

Au cours du 29e sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba, son président en exercice, Alpha Condé a laissé entendre que l’Union africaine doit prendre en charge la lutte contre le terrorisme. Dans quelles mesures un tel plaidoyer peut-il être traduit dans les faits ?


Je crois que la première chose à dire, c’est de préciser qu’au début des années 2000, le terrorisme vu d’Afrique était perçu comme un problème étranger. En réalité, parler de terrorisme en ces temps-là, pouvait être considéré comme s’ingérer dans les affaires intérieures des pays occidentaux. Mais, à partir des années 2010, le continent tout entier a commencé à connaître la réalité du terrorisme. Le terrorisme est aujourd’hui en Afrique un problème total-continental. A partir de ce moment, cela signifie que ce n’est plus les autres qui doivent venir faire face au terrorisme. Puisque nous y faisons face, c’est à nous de trouver les moyens pour l’éradiquer. En vérité, en dehors de la sous-région Afrique australe, qu’on prenne la sous-région UMA, Afrique du nord, CEDEAO, Afrique de l’ouest, IGAD, Afrique de l’est ou CEEAC, Afrique centrale, toutes ces sous-régions font face quotidiennement aux préoccupations, aux défis du terrorisme. Cela signifie que c’est désormais un problème global en Afrique. En tant que problème de sécurité continentale, on ne peut pas s’attendre que ce soient les autres qui viennent s’en préoccuper. Je crois donc que le président guinéen et président en exercice de l’Union africaine, Alpha Condé, dit quelque chose de censé parce que la défense est d’abord une question nationale. Comme cela englobe tout le continent, ça devient un problème continental. Du point de vue de la défense, chaque pays organise sa défense quelque soit ce que ça coûte. Cela signifie donc que les défis auxquels l’Afrique doit faire face, en rapport à la question de la continentalisation des actes terroristes, ne peuvent pas être adressés par d’autres continents, en dehors de l’Afrique elle-même. Les Africains doivent trouver les moyens de juguler le terrorisme pour leur propre bien et pour leur propre survie. Sinon, il faut penser que nos Etats seront engloutis. C’est donc un problème d’intérêt vital pour nous et non d’intérêt de puissances. On ne fait pas ça parce qu’on a le choix, mais parce qu’à défaut de le faire, on perdrait tous nos vies. Il va donc falloir pu...

Reactions

Commentaires

    List is empty.

Laissez un Commentaire

De la meme catégorie