Pr. Joseph Vincent Ntuda Ebodé : «Il y aura des effets sur les capacités des opérations»

Géostratège et directeur du Centre de recherches politiques et stratégiques (CREPS) à l’université de Yaoundé II-Soa.

Le budget alloué aux opérations de maintien de la paix dans le monde connaîtra prochainement une baisse de 7,5%. Entre autres raisons, les bailleurs de fonds évoquent le gaspillage. Partagez- vous cet avis?

Les Etats-Unis ayant fait de la réduction du budget des opérations de maintien de la paix une question de principe, l'Assemblée générale de l'ONU a, entériné vendredi 30 juin 2017, une baisse de 7% du prochain budget des Casques bleus. Soit une réduction de 600 millions pour un total de 7,3 milliards de dollars l'an prochain (période du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018), au lieu de 7,87 milliards actuellement, soit une baisse de 7,2%. Dans la même lignée, les Etats membres ont validé 6,8 milliards de dollars pour 14 missions, auxquels s'ajouteront 500 millions supplémentaires en décembre pour le maintien de la paix en Haïti et dans la région soudanaise du Darfour. Si cet accord prend le contrepied des demandes du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, qui voulait augmenter à 7,97 milliards de dollars les financements des opérations de maintien de la paix, il répond cependant aux pressions du premier contributeur américain, qui voulait une baisse encore plus significative en réduisant sa facture d'un milliard de dollars, soit un recul de près de 13%, au motif qu’il y a trop de gaspillage. Washington finance en effet 28,5% du budget des opérations de maintien de la paix (7,87 milliards) et 22% du budget de fonctionnement de l'ONU (5,4 milliards). Les autres principaux contributeurs étantla Chine (10,25%), le Japon (9,68%), l’Allemagne (6,39%), la France (6,28%), le Royaume-Uni de Grande-Bretagne (5,77%), la Fédération de Russie (3,99%), l’Italie (3,75%), le Canada (2,92%) et l’Espagne (2,44%). Si la thèse de gaspillage a pu être ainsi avancée pour cette réduction du budget de l’ONU, force serait de relativiser cette idée. Principalement, par ce que toutes les opérations de maintien de la paix n’ont pas le même mandat. En effet, classées pour leur finalité : certaines visent le maintien de la paix, d’autres son rétablissement, une autre catégorie sa consolidation, et une dernière enfin, l’imposition de la paix. Cette multiplicité des mandats entraine aussi une diversité des budgets. En conséquence, quoique fréquemment critiqués pour leur efficacité limitée et les effets contre-productifs de leur présence, les Casques bleus qui ont reçu le prix Nobel de la paix en 1988, payent un lourd tribut, dans des circonstances des fois effroyables. En somme, elles ne peuvent grand chose sans la volonté de coopération des États ou un minimum de dialogue entre les belligérants. Dans un contexte où ces opérations de paix doivent être polyvalentes et mutlidimensionnelles. Car, non seulement elles sont appelées à maintenir la sécurité, mais aussi à faciliter le processus politique, à protéger les civils, à aider au désarmement, à la démobilisation et à la réinsertion des anciens combattants, à soutenir l'organisation d'élections libres, à protéger et à promouvoir les droits de l'Homme et à rétablir la primauté du droit. On comprend par là qu’elles ne peuvent être que coûteuses.

Cette décision ne va-t-elle pas porter un coup à l’efficacité des missions de paix sur le terrain?

La réussite d’une opération de maintien de la paix n'est jamais garantie, puisqu’elle se déroule, par définition, dans des environnements difficiles d'un point de vue tant physique que politique. Elle est donc par définition couteuse et cette baisse va certainement nuire à leur opérationnalisation. En fait même, si certains experts assurent que cette baisse du budget a été calibrée et a pris en compte les évolutions positives du maintien de la paix, il est pratiqueme...

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