« Un pays qui n’a pas de salon du livre n’existe pas »

Calixthe Beyala, Ecrivaine.

Une journée est entièrement consacrée à Calixthe Beyala à l’occasion de cette édition 2018 du Salon international du livre de Yaoundé. Que pensez-vous d’une telle considération ?

J’en suis heureuse, j’en suis fière. On a beau avoir des lauriers tressés dans d’autres civilisations, sous d’autres cieux ou dans d’autres pays par d’autres peuples, il est encore meilleur d’avoir des lauriers tissés par les siens. C’est une très belle reconnaissance de la part du Cameroun, qu’il y ait toute une journée consacrée à mon travail durant ce Salon du livre. C’est un bel hommage. J’en suis très contente.

Le Salon international du livre de Yaoundé est à sa troisième édition. Vu l’importance d’un tel événement pour la promotion du livre, vous dites-vous qu’on aurait pu y penser plus tôt ?

Il n’est jamais trop tôt, ni trop tard. Par le passé, il y a eu des événements similaires avec le ministre Henri Bandolo, qui à l’époque essayait déjà de lancer le livre par tous les moyens. Je me souviens d’un Salon du livre à Douala. Puis il y a eu un vide pendant lequel le livre n’a plus existé sur plusieurs décennies au Cameroun. L’actuel ministre de la Culture, qui est lui-même un poète, a compris la nécessité de remettre d’actualité, la tenue d’un salon du livre. Un salon, c’est très important pas seulement pour le vide-livres, mais aussi pour le pays. Il n’y a pas de création sans écriture. Un peuple qui n’écrit pas, c’est un peuple qui ne crée pas. Un peuple qui ne lit pas, c’est un peuple qui n’a pas de connaissance. Mettre à l’honneur le livre, c’est mettre en exergue l’intelligence du Cameroun, la créativité du peuple, son inventivité. Ce n’est pas un événement anodin. Un pays qui n’a pas de salon du livre n’existe pas. Le livre est l’élément qui démontre qu’un peuple a été à l’école. Donc le Salon du livre de Yaoundé n’arrive pas trop tard. On en avait d’ailleurs ardemment besoin. Et ce serait bien s’il n’arrivait pas tous les deux ans, mais que chaque année, on assiste à une fête du livre dans tout le pays, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest.

Que faudrait-il pour que ce Salon trouve un élan national et même sous-régional ?

Il faudrait avant tout, beaucoup de communication. Pour l’instant, je trouve qu’on ne communique pas assez, que les médias sur le plan national ne se mettent pas au service de ce Salon, donc ne se mettent pas au service du Cameroun. Ce Salon n’est pas le fait d’un auteur comme Calixthe Beyala ou d’un ministre de la Culture. Non. C’est un événement qui implique la planète entière. Tous les médias auraient dû communiquer depuis au moins un mois sur ce Salon du livre de Yaoundé, de manière à sensibiliser le peuple et toute la sous-région. Pourtant, on a l’impression qu’il faut ramer derrière les médias qui d’ailleurs parlent de quelque chose qui les concerne eux-mêmes. On est là en train de faire la promotion de tout un peuple, de toute une nation, de toute une politique, et dire que le Cameroun est brillant.

Tout au long de votre immense carrière, vous avez dû assister à nombre de salons du livre à travers le monde. Quelle expérience comptez-vous apporter à Yaoundé ?

Déjà ma présence ! Aujourd’hui, je dois être là, pas parce que j’ai envie de vendre quelque chose à quelqu’un. Je n’ai plus rien à démontrer. Mais je suis là pour la jeunesse camerounaise qui veut s’instruire, s’aimer, se projeter dans le Beau. Je dois être là pour donner de mon expérience. Depuis l’âge de 23 ans, j’ai écumé les salons du livre du monde entier. J’ai une expérience des salons du livre, d’organisation de cérémonies d’hommages aux auteurs, entre autres. S’il veut de mes services, je suis toujours prête à accompagner et à soutenir l’Etat du Cameroun pour ce que je sais faire le mieux : écrire des livres et faire leur promotion dans le monde entier. 

Vous êtes un membre à part entière des Editions Albin Michel en France depuis plusieurs décennies. A votre avis, que manque-t-il aux maisons d’édition pour jouer leur rôle dans le processus de développement au Cameroun ?    

Une fois de plus, les médias ont une place primordiale pour cette promotion des maisons d’édition. Il y a aussi la place que l’Etat réserve aux écrivains. Une maison d’édition n’existe que parce qu’elle a des auteurs qui la portent. C’est ce qu’on appelle les auteurs majeurs. Par exemple, je fais partie de ces auteurs majeurs d’Albin Michel ou auteurs-locomotives, car ils tirent tous les autres auteurs de la maison d’édition. Ceux qui vendent beaucoup de livres font en sorte que de manière automatique, les lecteurs ont envie d’acheter les livres d’écrivains issus des mêmes Editions. Il est important que la presse camerounaise mette l’accent sur les auteurs, qui à leur tour attireront l’attention sur leurs maisons d’édition.

Dans votre objectif d’accompagnement de la jeunesse, vous étiez récemment en visite à Ngaoundéré dans l’Adamaoua. Qu’avez-vous tiré de ce séjour ?

Il s’agissait d’abord d’une visite touristique, parce que cette région est sublime. Il y fait bon vivre, mais on n’en parle pas tout le temps. Avant tout, j’allais accompagner un jeune auteur, le Dr Asana, enseignant de l’Université de Ngaoundéré qui publiait son troisième roman intitulé « Les Blancs arrivent ». Je souhaitais attirer l’attention de la presse sur son travail. Et justement, il a vu la présence de nombreux journaux qui ont parlé de son livre. C’est le rôle de personnes comme moi aujourd’hui, d’amener les gens à prendre en considération les écrivains de la nouvelle génération, de découvrir des perles de la littérature camerounaise et les faire connaître. Le Dr Asana écrit d’ailleurs très bien. Je conseille à tous les lecteurs sa plume hors du commun qui s’envole, s’entrelace. Bref, il a l’art du langage. J’ai été heureuse de l’accompagner dans la promotion de son livre, tout comme je le fais pour ce jeune essayiste, Fabien Nkot. Il vient de publier « Le dictio...

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