Pr. «C’est dans un Cameroun uni que nous pouvons examiner toute revendication»

Mathias Eric Owona Nguini , Politologue, université de Yaoundé II.

Le Cameroun célèbre dans quelques jours la 46e édition de la fête de l’Unité. Quel est le regard analytique que vous jetez sur le processus de construction de cette unité ?

Le processus de construction de l’unité nationale du Cameroun a commencé il y a longtemps, avec la formation de la revendication « pancamerouniste ». Cette revendication tient au fait que des ressortissants des territoires du Cameroun placé sous-tutelle de la France et de la Grande-Bretagne revendiquaient d’être effectivement réunis et ce mouvement commence dans les années 1940, avec des associations puis des proto-partis politiques tels que Cameroon Youth Lead, Cameroon National Federation, French Welfer Cameroonian Union, et surtout l’Union des populations du Cameroun. Et ce mouvement se poursuivra dans les années 50 et sera porté par différentes formations politiques. Il traduit l’aspiration des ressortissants des territoires du Cameroun méridional britannique, du Cameroun septentrional britannique et du Cameroun français à être réunifiés. Le thème de la réunification sera présent dans le débat politique de la fin des années 1940 jusqu’au début des années 1960. Dans ces conditions, les Nations unies vont devoir prendre en compte cette exigence et le processus va s’accélérer  entre 1959 et 1961, et on aboutira avec le référendum du 11 février 1961 à un tournant décisif, même si à  l’occasion de ce référendum, il y a eu une controverse sur le résultat du Cameroun septentrional britannique, le Northen Cameroon’s, qui s’est finalement rattaché au Nigeria. Comme dans le Cameroun méridional britannique, le référendum a donné la majorité au « Oui », il a été donc conclu suivant ce qui avait été décidé par les Nations unies, que le Southern Cameroon’s devait se rattacher à la République du Cameroun qui avait accédé à l’indépendance le 1er janvier 1960. C’est donc dans le cadre de ce que les Nations unies appelaient une « indépendance associée » que le territoire sous tutelle du Cameroun britannique va être réunifié avec la République du Cameroun, à partir du 1er octobre 1961. Dès 1960, au moment où la réunification se négociait entre les acteurs politiques de la République du Cameroun conduit par le président Ahmadou Ahidjo, et ceux du Cameroun méridional britannique, conduit par le Premier ministre John Ngu Foncha, il était évident que cette dynamique de réunification pouvait évoluer vers la mise en place d’une structure plus unifiée. Et ce qui va intervenir à l’occasion du référendum du 20 mai 1972 qui va consacrer l’avènement de la République unie du Cameroun et le remplacement de la République fédérale du Cameroun, née le 1er octobre 1961. En 1984, le président Paul Biya, qui a accédé au pouvoir en tant que successeur constitutionnel du président Ahidjo, le 6 novembre 1982, allait simplement changer la dénomination d’un Etat, sans que cela ait une conséquence sur la forme de l’Etat parce qu’il est resté un Etat unitaire. Il estimait qu’il fallait que le Cameroun devienne la République du Cameroun, parce qu’en réalité, le processus d’unification avait abouti. C’est dans le cadre de la République du Cameroun que nous nous trouvons toujours, même s’il existe des groupes qui veulent en contester aussi bien la légalité que la légitimité. Cela dit, la République du Cameroun est un Etat reconnu internationalement.

Au regard de ce parcours, on peut donc dire que les Camerounais ont de bonnes raisons de célébrer le 20 mai et de préserver cet acquis qu’est l’unité…  

L’unité politique d’une communauté nationale se construit sans cesse et elle fait toujours face à des menaces. Cela n’est pas spécifique à la République du Cameroun. Tous les Etats sont confrontés à des mouvements politiques qui peuvent remettre en question leur stabilité, parce qu’ils contestent les bases de l’unité politique de la communauté qui est formée. Cela s’est vu dans beaucoup d’autres pays et le Cameroun n’en a pas la spécificité. Cela dit, il est important, en raison de ces mouvements, que nous réfléchissions sur le sens profond de l’unité. C’est un élément fondamental pour la cohésion et la stabilité d’une nation. C’est un él...

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