Diplomatie du tact ou de l’audace ?

La sortie médiatique discourtoise et isolée de S.E Henry Barlerin n’entache nullementl’excellence des relations entre le Cameroun et les Etats-Unis.

D’un point de vue lexicologique, la diplomatie, perçue comme la partie de la politique qui concerne les relations entre les Etats, se caractérise essentiellement par la négation de toute forme de violence et de banalité langagière. Tout au contraire, la pratique diplomatique renvoie à l’art du tact, même dans l’audace, intégrant ainsi la juste pensée du poète français Jean COCTEAU, qui soutenait que « le tact dans l’audace, c’est de savoir jusqu’où on peut aller trop loin ».

Mais cette considération primaire ne semble guère avoir été prise en compte le 17 mai 2018 par S.E Henry Peter BARLERIN, Ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique au Cameroun, puisqu’après une audience qu’a bien voulu lui accorder le Chef de l’Etat camerounais, le susnommé s’est fendu d’un communiqué de presse comminatoire largement médiatisé, perçu par tous les observateurs avérés de la vie politique de notre pays comme un véritable coup de tonnerre dans le ciel de Yaoundé.

En effet, après avoir rappelé que l’objet de son entrevue avec le Chef de l’Etat était de lui remettre un message de vœux fort encourageant du Président américain au peuple camerounais, à l’occasion de la célébration de notre Fête nationale de l’Unité, l’Ambassadeur des Etats Unis s’est par la suite répandu sans aucune réserve sur d’autres points ayant meublé l’entretien entre les deux hommes.

A tout prendre, l’épanchement du diplomate américain à travers cette coulée verbale aux confins de l’incontinence n’aurait pas suffit à interpeller le citoyen attentif aux enjeux de la vie politique de son pays, s’il n’avait pas émis deux commentaires à caractère fortement conflictogène, à un moment délicat de l’histoire du Cameroun où tout discours public devrait, dans un élan constructif, s’atteler à la promotion des valeurs du dialogue, de la tolérance et de l’unité des enfants d’une même nation, en vue de la réalisation d’un meilleur vivre ensemble. 

D’abord, s’agissant des turbulences qui ont cours au Nord-Ouest et au Sud-Ouest du Cameroun, S.E Henry Peter BARLERIN affirme deux détails abracadabrantesques. En s’appuyant dans un premier temps sur une prétendue enquête de l’ONU, il indique que les arguments avancés par les activistes pour justifier les exactions commises par eux dans ces deux régions du pays se fondent sur un souci de revanche. Mesure consécutive à la perte de leurs frères, amis et connaissances dans des combats contre les forces de défense.

Un tel argument, qui procède certainement d’une amnésie volontaire ne résiste pas à la vérité des faits têtus, lorsque l’on se souvient initialement des emblèmes de l’Etat bafoués par certains de ses ressortissants revendiquant brutalement une dislocation du pays au mépris des dispositions constitutionnelles ; des enfants à qui des groupes organisés ont décidé d’empêcher tout accès à l’école ; des autorités publiques enlevées ou des éléments des forces de maintien de l’ordre sauvagement tués. Davantage : quid de ces  sécessionnistes preneurs d’otages et demandeurs de rançon qui ne sont en réalité que de vulgaires bandits ? 
Casques bleus.

En faisant ainsi fi de la réalité des faits dans leur globalité et de ce que la situation de crise entretenue par une minorité de personnes dans les deux régions concernées n’est guère soutenue par la majorité des ressortissants de ces régions, le diplomate américain, dans une posture manifestement excessive, souligne avec emphase, en faisant allusion à l’Etat et à une poignée de ses ressortissants séditieux, que les deux parties ne s’écoutent plus.

A bien voir, ce stratagème bien connu, qui vise à démontrer aux yeux du monde une gravité extrême de la situation et le constat de l’impossibilité d’une solution endogène, ressemble fort bien au prototype de construction idéelle que l’on a vu conduire dans certaines situations à la préconisation de l’interposition des casques bleus de l’ONU. Mais à toute velléité de destruction de leur pays, les Camerounais, dans leur écrasante majorité, savent rappeler au-delà de la différence de leurs obédiences politiques, que « le Cameroun c’est le Cameroun».

Ensuite, au sujet de la prochaine élection présidentielle au Cameroun, S.E Henry Peter BARLERIN conseille au Président Paul BIYA de songer à passer la main, tout en interpellant sa conscience sur la manière dont il souhaiterait être vu par la postérité.

Dans le même élan, le diplomate conseille au Président de s’inspirer des modèles tels que Georges Washington (Etats-Unis) ou Nelson Mandela (Afrique du Sud), sans se gêner de faire montre sur ce dernier exemple de la fragilité de la mémoire d’un homme qui parle au nom d’un système politique qui sacralise aujourd’hui sa victime d’hier.

Restant sur l’inutile bienveillance de S.E Henry Peter BARLERIN qui prétend se soucier de la pérennité de l’image du Président de la République, le philanthrope américain fait une fois de plus preuve de déliquescence mémorielle, en oubliant la réponse historique du Président Paul Biya sur les antennes de RFI, lors d’une interview accordée à Yves MOROUZI lorsqu’il déclarait : « Je veux qu’on se souvienne de moi comme l’homme qui a apporté la démocratie et la prospérité… ». Au demeurant, l’inscription d’un homme politique dans l’histoire ne participe pas du bon vouloir de quelque africaniste enthousiaste, mais plutôt de sa marque courageuse et indélébile dans les étapes déterminantes de la construction et de la protection de son pays. Sur cette base, S.E. Paul BIYA a déjà inscrit son nom en lettre d’or au panthéon de l’histoire politique du Cameroun.

Paul Biya à la commande
En guise de rappel non exhaustif, au plan politique, le Président BIYA a été à la commande du retour au multipartisme, en dépit des soubresauts des années 90 qui ont marqué bon nombre de pays africains et emporté certains de leurs dirigeants. Dans le domaine économique, le Président BIYA est le grand architecte de la transformation du Cameroun en un vaste chantier résolument orienté vers la modernité, avec une économie diversifiée dont le niveau de résilience est unanimement salué en Afrique Centrale.
Sur un tout autre plan, lorsque S. E. Henry Peter BARLERIN suggère au Président Paul BIYA de passer la main et de désigner un dauphin, en accréditant ainsi la thèse selon laquelle les Occidentaux font et défont les régimes en Afrique au gré de leurs intérêts, il y a d’abord lieu de lui rappeler que le Cameroun n’est pas une monarchie. Il est plutôt un pays indépendant, un Etat de droit, avec un peuple souverain qui désigne librement son chef, conformément à sa constitution. Comme dans tous les régimes démocratiques contemporains, le suffrage universel est le mode d’accession à la magistrature suprême dans notre pays. De fait, le diplomate américain, en conseillant au Président BIYA de renoncer au mandat à lui confié par son peuple et de désigner son successeur, l’appelle à remettre en cause le respect du sacro-saint principe de la légalité et du formalisme républicain, qui ont toujours caractérisé son action politique.
De plus, l’intérêt d’une politique ne réside-t-il finalement pas dans son efficacité, c’est-à-dire dans sa capacité à contribuer à l’amélioration continue de la vie des hommes ? La réponse la plus pertinente à cette question nous vient du sémillant  socio-politique russe OSTROGORSKI qui, par une intuition fulgurante, soutenait qu’aucune idéologie n’est vraie ou fausse, mais qu’une idéologie ne peut être qu’efficace ou inefficace. Cette sagesse est contenue dans le propos de S.E. Paul BIYA, lorsque répondant à la question d’un journaliste français au sujet de sa longévité au pouvoir, à l’occasion de la conférence de presse ...

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