« Le pays a connu une nette avancée »

Jacques Bonjawo, entrepreneur du numérique, promoteur du technopole Ocean Innovation Center de Kribi.

Depuis les dernières années, le secteur des TIC et du numérique connaît une réelle évolution au Cameroun. Comment appréciez-vous les progrès enregistrés jusqu’ici ?

La technologie doit être pensée avec volontarisme comme un facteur de progrès social. Après avoir accusé un retard, le pays a en effet connu une nette avancée en matière de digital durant les dix dernières années. En témoignent les nombreux chantiers d’ampleur qui se déploient par le biais de plusieurs structures (ministères, sociétés sous tutelle du Minpostel, etc.), pour ne rien dire de l’essor technologique sans précédent que la Silicon mountain (située à Buéa) expérimente, grâce à de jeunes gens effervescents désireux de faire quelque chose pour leur pays, de fonder des startups portant l’ambition de les hisser au sommet. Et les opérateurs de télécoms et de transfert d’argent ne sont pas en reste, qui ont à leur manière fait exploser les usages de la téléphonie mobile. Tout cela met en relief le potentiel de notre pays. Le président de la République a pris depuis une vingtaine d’années, l’option de sortir la majorité des Camerounais de l’analphabétisme numérique, notamment en systématisant l’enseignement des TIC dès la maternelle.

Quel peut-être l’impact à long terme, d’une telle option ?

Le soutien à la formation technologique depuis le stade précoce est une option, sinon une vision à laquelle j’adhère totalement, et je l’ai toujours recommandée dans mes écrits comme au cours de mes conférences. Sur le long terme, ces futurs adultes pourront ainsi apporter une contribution significative à la mise en valeur et à la transmission du patrimoine technologique. Les infrastructures mises en place par l’Etat (fibre optique notamment) sont-elles suffisamment exploitées aujourd’hui ? Si des progrès considérables ont été réalisés au cours de ces dernières années, notamment la pose du câble sous-marin par Camtel, le déploiement de la fibre optique demande manifestement une extension à travers le pays, en particulier dans l’arrière-pays où on trouve encore des connexions satellitaires de type Vsat qui coûtent très cher aux usagers et sont du reste peu fiables en raison notamment des intempéries. Voilà pourquoi les opérateurs privés de télécoms ont trouvé un filon inépuisable dans les services nécessitant la connexion Internet…

Comment jugez-vous l’appropriation de l’évolution numérique par les administrations et les entreprises ?

Dans un souci de rattraper au plus vite notre retard, selon la prescription du président de la République, l’Etat a mis en place de très nombreuses structures. Cette profusion de structures a certes porté quelques fruits mais entraîne une très grande complexité, un manque de visibilité et une redondance inévitable des missions et compétences. Dans de grandes entreprises, le digital n’est plus un sujet relégué exclusivement à la direction des systèmes d’information, mais dans lequel s’implique la direction générale. C’est en effet le signe que le numérique est devenu une problématique stratégique. Le vrai sujet, c’est comment les entreprises s’emparent du digital et l’intègrent dans leur environnement, car, si elles ne le font pas, elles sont vouées à disparaître. Aussi ontelles besoin qu’on les accompagne, qu’on leur fournisse analyses et mise en perspectives de l’innovation digitale. C’est notre vocation à nous.

Quel regard jetez-vous sur ce foisonnement d’initiatives qu’on observe soit en termes d’innovation soit en termes de création de start-ups ?

De plus en plus, l’impossible perd du terrain, et c’est précisément une des promesses du digital, comme principal vecteur d’opportunités. Les projets jaillissent de partout, et certains sont d’une créativité déconcertante. Dans notre incubateur par exemple, nous recevons des centaines de projets venant de tous les quatre coins du pays, et nous nous efforçons de représenter cette diversité. Voilà pourquoi l’innovation créée par un agriculteur dans l’Extrême Nord nous intéresse autant qu’une application conçue par un étudiant de Polytechnique, pour autant que l’auteur soit passionné par son idée et déterminé d’aller jusqu’au bout. Le seul critère : que cette idée soit susceptible d’améliorer notre vie.

Quelle est, selon vous, la meilleure formule pour accompagner et rentabiliser cette créativité ? Etat ou secteur privé ?

Les incubateurs et accélérateurs d’entreprises souvent privés, sont sans conteste un dispositif très efficace pour accompagner les jeunes porteurs de projets dans la création et le développement de leurs startups, lesquelles à terme...

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