« L’engagement de modernisation politique du Cameroun a été confirmé »

Pr. Manassé Aboya Endong, enseignant à l’université de Douala

Professeur, quelle lecture synthétique pouvezvous faire des sept années qui viennent de s’écouler au Cameroun sur le plan politique ?

A l’observation, il va de soi que le septennat qui s’achève n’aura pas été un long fleuve tranquille. En effet, de nombreux évènements l’ont jalonné, tout en contribuant à le rendre très particulier, tant pour ce qui est de la mise en oeuvre du programme politique qui le structure, que des évènements imprévus qui l’ont marqué. C’est précisément un septennat que le président élu a placé sous le signe des « Grandes réalisations » ; tout un slogan de campagne qui a mobilisé et continue de mobiliser de nombreux acteurs politiques. Sur le plan politique, on peut évaluer les sept années qui viennent de s’écouler sur cinq points. Après sa réélection en 2011, on a noté avec satisfaction la poursuite de l’ouverture en direction des autres formations politiques et la société civile, la poursuite de la mise en oeuvre de la décentralisation, le renforcement des ressorts de la bonne gouvernance, la modernisation de la fonction publique camerounaise et le renforcement de l’État de droit. Pour ce qui est du premier point, l’on constate que malgré sa large victoire sur ses adversaires, le président de la République a fait appel à certains d’entre eux pour gérer les affaires de la République. Il en est ainsi des membres du gouvernement nommés au lendemain de sa réélection, ainsi qu’en 2013 lors de la nomination des 30 sénateurs, où l’on a assisté à la promotion des militants du FSNC, de l’ANDP, du MDR, de l’UNDP et de l’UPC, etc. La composition des bureaux des deux chambres du parlement participe également de la même volonté d’ouverture vers les autres formations politiques. Au niveau du processus de mise en oeuvre de la décentralisation, l’on note, en plus du travail effectué par le PNDP et le FEICOM, la création par le président de la République, d’un département ministériel essentiellement dédié au développement local et à la décentralisation. Au demeurant, ce septennat a connu une avancée démocratique significative et décisive, avec la mise en place du Sénat et du Conseil Constitutionnel, deux institutions essentielles dans le parachèvement du dispositif constitutionnel camerounais. En clair, le septennat qui s’achève est un septennat qui entre dans une dynamique de confirmation d’un engagement pris : celui de la modernisation politique du Cameroun.

Dans quel registre pourrait-on classer la promulgation en avril 2012 de la loi portant Code électoral ?

La promulgation de la loi n° 2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral du Cameroun participe d’une volonté politique claire de rendre le jeu politique plus transparent et démocratique. Il s’agit d’un document unique qui rompt avec l’éparpillement des textes de loi sur les élections au Cameroun. C’est l’un des actes forts du début d’un septennat qui se sera révélé, in fine, riche d’avancées démocratiques. C’est manifestement sous ce registre qu’il convient d’inscrire la promulgation du Code électoral en 2012. Les élections sénatoriales du 14 avril 2013 et le double scrutin du 30 septembre 2013 - pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale et des conseillers municipaux – comme étant les premières échéances électorales qui se sont tenues après la promulgation de cette loi ont permis de se rendre compte de la plus value démocratique de ce document consensuel, consacrant la spécificité des règles du jeu politique au Cameroun. Il s’agit, à n’en point douter, d’une avancée importante dans le processus de démocratisation au Cameroun ; un processus qui consacre l’avènement d’une législation électorale plus cohérente et moins dispersée. Avec la promulgation de cette loi, on assiste en quelque sorte au temps de la garantie juridique de la participation politique des femmes (art 151, alinéa 3 ; art 164, al.4 ; art.171, al.3 ; art.181, al.2 ; art.218, al.3 ; art.246, al.1.). Cette loi a ainsi inscrit le genre comme un indice de modernité démocratique. En effet, les associations féminines, et même certaines organisations de la société civile, ont depuis longtemps demandé de prendre en compte, mieux de légiférer sur le genre en politique. À leurs yeux, il s’agissait là de rémunérer l’engagement citoyen, voire politique, des femmes camerounaises. Dès lors, le nombre important de femmes répertoriées dans les arènes politiques a constitué un atout important pour la richesse, la diversité et le sérieux des débats et des délibérations.

Sauf que, concernant cet aspect, certaines critiques veulent que l’on soit plus précis en intégrant par exemple des pourcentages ?

La prise en compte de l’approche genre est une réalité dans le Code électoral camerounais. La Loi électorale du 19 avril 2012 accorde une place de choix aux candidatures féminines dans ses dispositions spécifiques. Qu’il s’agisse des élections municipales, législatives ou sénatoriales, le législateur a tenu à encourager les candidatures féminines en exigeant dans la constitution des listes électorales la présence des femmes. Certains partis politiques, à l’instar du MDR à l’Extrême-nord, ont vu leurs listes électorales disqualifiées pour nonrespect de ces dispositions pertinentes du Code électoral. Ce qui a permis d’enregistrer une certaine progression au niveau de la représentation féminine, avec notamment 20 femmes sénatrices titulaires (20%), 56 députés titulaires (31,11%). Mieux, ce dernier chiffre se situe largement au-dessus du pourcentage recommandé par ONU-Femmes, à savoir 30%. À l’issue du double scrutin du 30 septembre 2013, l’analyse de l’environnement institutionnel du Cameroun permet de dire que le Cameroun s’est positionné sur la trajectoire de l’égalité entre les hommes et les femmes. Ces acquis ont été préservés en mars 2018 lors des élections sénatoriales. Evidemment, il reste encore à faire, notamment que l’on souhaiterait par exemple, que la loi puisse apporter des précisons sur le pourcentage de femmes par liste de partis. Ce qui pourrait obliger ceux-ci à rétribuer davantage l’engagement politique des femmes et à favoriser une amélioration certaine de la proportion des femmes dans l’exercice des fonctions électives. Toutefois, la question de la définition d’un pourcentage est assez complexe, au regard du niveau actuel de l’engagement politique féminin. Par conséquent, l’exiger rendrait assez difficile son opérationnalité dans certains contextes socioculturels où l’engagement politique des femmes reste timide.

Connu pour sa discrétion sur le plan diplomatique, le Cameroun a néanmoins marqué sa présence à plusieurs niveaux. La vision sur ce plan a-t-elle changé ?

Le renouveau dip...

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