Une nouvelle espérance

Parfois, l’Histoire fait mine de se répéter. Ceux qui couraient dans les rues de Yaoundé, il y a 36 ans, derrière le cortège d’un jeune président, Paul Biya, incrédules et haletants d’espoir, se remémorent ce moment. Celui où un pays entier retient son souffle. Et s’interroge : avec ce nouveau dirigeant, les vannes de la liberté s’ouvriront-elles enfin, et avec elles, le génie créateur du peuple ? En 1982, le Cameroun est, pour ainsi dire, un pays en coupe réglée, une belle au bois dormant somnolant sur ses atours et ses promesses, une véritable chrysalide qui n’a pas encore donné la pleine mesure de son talent. Les défis de Paul Biya, en ce 6 novembre 1982, sont donc immenses.

En grande partie parce que son arrivée suscite tellement d’espoir que le risque de décevoir tant d’attentes est grand. Comme un clin d’œil de l’Histoire, demain, 6 novembre 2018, le même Paul Biya prête serment, après que le peuple camerounais lui a renouvelé sa confiance pour un nouveau mandat de sept ans, au terme de la dernière présidentielle. Si en 1982, les défis du nouveau président étaient pharaoniques, en 2018, ils sont dantesques. En trois décennies, le pays a connu la prospérité, puis la crise économique ; l’ouverture démocratique, avec ses fleurs et ses revers ; la paix et la stabilité, avant que le vivre ensemble ne se lézarde sous l’effet conjugué du terrorisme et de la radicalisation identitaire, dans cette terre qui est un concentré de toute l’Afrique dans sa diversité. C’est donc un pays blessé, qui attend d’être réconcilié. C’est un peuple en attente, qui a consenti bien des sacrifices pour permettre le redressement économique, et qui espère voir s’opérer une meilleure redistribution des fruits de la croissance.

Cette aspiration généralisée au mieux-être est légitime, mais elle ne naît pas du hasard. Dans un monde globalisé, la télévision et les réseaux sociaux diffusent à satiété des images de la nouvelle classe moyenne africaine qui, de Johannesburg à Lagos, affiche des standards de vie confortables, alternant allègrement travail, voyages et loisirs. Vivre mieux, dans un pays en paix et émergent, cette formule pourrait résumer l’état d’esprit du Camerounais moyen. Il faut en convenir : le serment que le président élu prête demain devant le peuple camerounais est d’une autre gravité, et d’une nouvelle densité.

C’est vrai, il en va tout autrement de sortir le papillon Cameroun de sa chrysalide pour révéler ses belles couleurs, que de panser les plaies ouvertes d’une société meurtrie par la violence de la guerre. Et que dire du défi de construire une économie émergente, dans un environnement international marqué par l’instabilité, la confrontation, les replis nationalistes ? Autant le rappeler : en 2025, à la fin du septennat qui s’ouvre demain, le Cameroun ne sera plus qu’à 10 années de la date projetée pour intégrer le cercle fermé des pays émergents. Tout se joue donc dans ce septennat, qui apparaît à tous égards comme fondateur. Ces deux défis, le rassemblement de tous les Camerounais et la bataille pour le développement, seront la ligne de mire, le cap du président élu, parce qu’ils résument les nombreuses attentes populaires.

En élisant Paul Biya au terme de cette compétition âprement disputée, les Camerounais ont montré que leur espérance en ce qu’il incarne et en sa capacité à transformer le pays est restée vivace. Ils lui donnent ainsi le mandat, à lui, qui réussit si bien l’alchimie entre la rigueur et la conciliation, d’être le régulateur et le juge de paix d’un Cameroun en surchauffe. Et de l’introduire dans la modernité. Ces attentes fortes et l’impatience qu’elles généreront sous peu dans la population, demeureront pour le pouvoir un aiguillon permanent, un stimulant corrosif. Car comme prévient Titu Maiorescu, homme de lettres roumain : « Prends garde aux lendemains du succès ! » Le septennat qui s’annonce devra être, comme l’a déjà dessiné le président élu lui-même, celui des opportunités et des actions.

Plus précisément, celui de la mat&ea...

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