« La finalisation des chantiers en cours L’analyse est déterminante »

Professeur Désiré Avom, Doyen de la faculté des sciences économiques et de gestion de l’université de Dschang.

Professeur, comment appréciezvous les performances de l’économie camerounaise au moment où commence le nouveau septennat du président Paul Biya?

S’il y a un mot qui peut mieux caractériser l’économie camerounaise au cours des dernières années, c’est sans doute celui de «résilience», c’est-à-dire sa capacité à surmonter rapidement les chocs et les perturbations auxquels, elle est confrontée au cours d’une période, tout en se maintenant sur la trajectoire d’une croissance économique positive et soutenue. C’est le cas de l’économie camerounaise qui, comme vous le savez, a subi de nombreux chocs dont, trois sont suffisamment significatifs pour être relevés. Premièrement, depuis 2013, alors que les projets structurants se mettaient progressivement en place, le Cameroun a dû faire face aux attaques aveugles de la secte criminelle Boko Haram dans l’Extrême Nord, parallèlement, il y a eu aussi les répercussions de la crise sociopolitique en République Centrafricaine avec l’afflux de migrants provenant de ce pays voisin. Deuxièmement, la baisse continue des prix des matières premières, notamment celui du pétrole, qui a atteint en janvier 2015 un plancher historique d’environ 16 dollars le baril. Or, L’économie camerounaise dépend de 40% des recettes pétrolières. Troisièmement, la crise dans les deux régions anglophones qui dure depuis deux ans, dont la première évaluation faite par le GICAM en Septembre 2018, estime les pertes à 56 milliards, soit 20% des recettes d’exportations, et d’un peu plus de 6434 emplois directs déjà perdus. Malgré ces chocs, l’économie camerounaise a enregistré, selon les données officielles disponibles, depuis 2011 un taux de croissance moyen environ de 4%, un taux d’inflation resté en moyenne en deçà de la norme communautaire de 3%, avec toutefois un accroissement rapide de l’endettement qui se situe à 32% du Produit Intérieur Brut (PIB) encore bien en déca de la limite communautaire de 70% du PIB. Contrairement aux critiques régulièrement faites sur la résilience quant à son incapacité à lutter contre la vulnérabilité sociale, on peut observer avec satisfaction, dans le cas du Cameroun, qu’elle a été sans toutefois y parvenir parfaitement, plus ou moins équitable. Ceci à travers une réorientation des allocations budgétaires et à l’amélioration de la qualité de la dépense qu’elle a imposée, et surtout des actions ponctuelles incluant la participation des camerounais dans le cadre de la collecte des fonds, pour faire face à de nouveaux défis qu’imposait l’actualité. D’une part, la réduction du train de vie de l’Etat, avec par exemple la subordination de l’achat des véhicules administratifs au visa préalable du Premier ministre chef du gouvernement, la limitation des voyages à l’étranger, etc. D’autre part, avec le maintien de certaines dépenses favorables aux populations vulnérables et frappées directement par les conséquences des différentes crises.

Comment jugez-vous la situation économique actuelle et les perspectives à court terme ?

A ce jour, pour une économie qui a subi tant de chocs en quelques années, je peux dire que les fondamentaux sont relativement bons et mêmes solides. Le point d’inquiétude semble être le rythme d’endettement, bien que rapide, reste soutenable. Le recours régulier, depuis quelques années au financement par le marché, à travers l’émission des obligations, présente de nombreux avantages notamment celui du coût faible des ressources, de la rapide mobilisation de celles-ci, et surtout l’animation du compartiment obligataire de la Douala Stock Exchange (DSE), notre marché boursier. Il convient de noter que ce mode de financement contraint l’Etat à une gestion rigoureuse des finances publiques pour consolider la croissance, et rassurer régulièrement les souscripteurs des obligations, quant à la qualité de la signature du Gouvernement. Les perspectives à court terme de l’économie camerounaise sont portées par la consolidation de la reprise mondiale projetée pour 2018 à 3,9% selon le Fonds monétaire International (FMI). De plus, le rebond observé des prix des hydrocarbures depuis mi-2017 et se prolonge aujourd’hui avec les cours du baril du pétrole qui se situe à environ 80 dollars, constitue une forme d’oxygénation de l’économie à travers une augmentation des recettes publiques.

Depuis plusieurs années, le gouvernement a décliné sa vision de développement contenue dans le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE). Ce DSCE est déjà en pratique depuis quelque temps, mais que faut-il de plus pour impulser une dynamique de croissance ?

C’est un document important effectivement mis en œuvre depuis plusieurs années malgré l’occurrence de fortes contraintes insuffisamment anticipées, et dont les coûts n’avaient ni été évalués, ni pris en compte. Conscient de cela, le Gouvernement a mise en place des plans d’urgence sectoriel pour rattraper le retard observé dans l’exécution du DSCE. Prenant en compte toutes les évolutions actuelles, il semble opportun de procéder à une relecture du DSCE, afin de mettre au centre de la dynamique de la croissance, la question de la transformation productive de notre économie. Sous quelles modalités peut-on espérer que la marche vers l’émergence s’accélèrera au cours du septennat qui démarre? (Le président Paul Biya a présenté durant la campagne dix points sur lesquels s’articulera son action). Le premier chantier est de mon point de vue, celui du retour à la paix dans les différentes régions où celleci est menacée. Car sans elle, la résilience de l’économie camerounaise sera sérieusement hypothéquée avec une aggravation des conséquences déjà bien perceptibles notamment le nombre assez élevé de morts, de déplacés internes et externes et des dépenses importantes qui plombent nos capacités à financer les projets structurants. Mais, parallèlement à la recherche de la paix, qui est devenue une quête permanente dans un monde ouvert et exposé à de nombreux risques, la finalisation des chantiers en cours est déterminante pour l’amélioration du bien-être des populations et surtout pour leur autonomisation. L’accroissement de l’offre énergétique avec la mise en service des chantiers de première génération, ainsi que l’accès à l’eau potable constituent des préalables à la modernisation durable de l’agriculture, et à la mise en œuvre de notre plan d’industrialisation. A ceuxci s’ajoutent évidemment les infrastructures comme les autoroutes (Yaoundé –Douala, Nsimalen-Yaoundé), l’économie numérique, etc. C’est un vaste programme qui se situe dans la continuité des actions antérieurement mises en œuvre et qui permettra de favoriser le développement de nouvelles activités, tout en augmentant le rythme de création des emplois décents pour l...

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