Coup de poker

Beaucoup ont sans doute observé avec intérêt et davantage encore d’étonnement l’hystérisation de la scène politique ces dernières semaines par le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) et ses sympathisants. Leur stratégie d’occupation de l’actualité politique à travers des marches de protestation interdites, soutenues par une propagande haineuse dans les réseaux sociaux, était rien moins qu’une tentative de s’imposer dans l’agenda médiatique et dans l’imaginaire des Camerounais. Ce qu’ils ont sans conteste réussi, mais à quel prix ? Le choix d’inclure la vandalisation des ambassades du Cameroun à l’étranger dans leur programme de manifestations constitue sans conteste la lubie de trop. En saccageant à tout va, bureaux, documents, effigies, drapeaux, ils ont sousestimé le lien quasi mystique qui unit les citoyens à leur patrie. Lien symbolisé par les objets, bâtiments, qu’ils ont déboulonnés ou détruits.

Pis, en s’en vantant dans des vidéos comme des mauvais garnements ayant investi la chambre des parents en leur absence, ils ont posé un acte, qui en empruntant à la psychanalyse, relèverait l’ordre de la profanation. En effet, le traumatisme des Camerounais, n’a pour corollaire que la violence des images et des paroles de fanfaronnade qui les accompagnent. Nul doute que les stratèges du MRC, dans leur souci de créer un électrochoc, n’ont pas jaugé à leur juste valeur la résonnance de tels forfaits. Mais les dommages ne sont pas que psychologiques, comme on peut le penser. En cette année électorale, où tous les acteurs politiques ont en tête de marquer l’histoire, le MRC sait qu’il a une carte à jouer. De par la personnalité de son leader, ancien ministre, mais aussi de par les résultats engrangés lors de l’élection présidentielle du 7 octobre 2018. Mais en tolérant le vandalisme sauvage, même à la périphérie de son mouvement, sans condamnation ferme et claire, le MRC donne à penser aux observateurs de la scène politique.

Car pourquoi un parti politique qui a selon toutes les analyses une carte à jouer aujourd’hui choisirait-il la désobéissance, la provocation et la violence ? La réponse paraît évidente : pour construire les conditions du chaos. « Apocalypse now », c’est le vœu de certains qui espèrent que,grâce à la confusion ainsi créée, et au soutien de la communauté internationale si regardante sur les bavures policières, et si peu sur les incivilités citoyennes, le pouvoir soit contraint de rebattre les cartes politiques, en leur faveur, et aussi au profit d’autres acteurs qui sont peut-être pour l’instant dans l’ombre. Ce à quoi nous assistons peut donc apparaître comme « une tentative de changer le rapport de force politique par la violence »,pour reprendre les mots du philosophe Yuval Noah Harari au sujet du terrorisme. Un véritable coup de poker. Qu’avons-nous à y gagner ? Nous devrions nous interroger, nous citoyens camerounais. En réalité, nous avons tout à y perdre. La paix, la concorde nationale, si essentielle dans le patchwork humain qu’est le Cameroun ; mais aussi, la capacité à choisir nous-mêmes notre propre destin.

Bien évidemment, l’objectif n’est pas ici de donner des leçons à un parti politique. Les partis ont la légitimité d’animer la scène politique dans les limites de la légalité. Non, le propos est plutôt de tenter une explication à un phénomène qui génère tant de brutalité, et pas simplement rhétorique. Beaucoup de sociologues croient déceler dans ces radicalisations et ces envies de tuer déclamées sans pudeur sur la toile des germes du populisme. Un populisme à l’africaine, en somme, qui comme en Europe et en Amérique, se nourrirait de crispation culturelle et identitaire, de détestation des élites, de xénophobie, de rejet de la mondialisation et de l’économie de marché.

Sauf que l’un des marqueurs du populisme reste tout de même la sacralisation de la nation, l’adoration de la patrie. S’il est adm...

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