« Tous les Etats ont pris des mesures rigoureuses »

Les explications de Michel Cyr Djiena Wembou, Secrétaire permanent du Programme des Réformes économiques et financières de la CEMAC (CEMAC).

Trois ans après la création du PREF-CEMAC, pouvez-vous nous faire le point sur les avancées des réformes économiques et financières dans la zone CEMAC ?

Pour répondre à cette question, permettez-moi de rappeler le contexte qui a conduit à la création du Programme des réformes économiques et financières de la CEMAC (CEMAC). En effet, la sous-région CEMAC a subi en mi-2014 une crise économique et financière profonde causée en majeure partie par une détérioration de ses termes de l’échange du fait de la faiblesse prolongée et substantielle des cours des principales matières premières qu’elle exporte, notamment le pétrole.

À ce choc économique s’est ajouté un choc sécuritaire caractérisé par la persistance des menaces terroristes récurrentes dans le Bassin du Lac Tchad, la poursuite des exactions des groupes armés en Centrafrique et la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun. Ce choc sécuritaire a aussi engendré un autre, celui de l’afflux de réfugiés et de personnes déplacées ou rapatriées.

Ce triple choc économique, sécuritaire et humanitaire, s’est traduit sur le plan économique par un ralentissement de la croissance, une détérioration des comptes des finances publiques, une accentuation du déficit de la balance courante et une baisse accrue des avoirs en réserves, mettant ainsi à rude épreuve la stabilité du cadre macroéconomique de la sous-région à court et à moyen terme.

Face à cette situation, les chefs d’Etat de la CEMAC se sont réunis plusieurs fois pour examiner entre autres, les questions relatives au redressement de la situation économique. A ce titre, ils ont décidé de mettre en place le Programme des réformes économiques et financières de la CEMAC (PREF-CEMAC) autour de cinq piliers couvrant les politiques budgétaires (pilier 1), la politique monétaire et système financier (pilier 2), les réformes structurelles (pilier 3), l’intégration régionale (pilier 4) et la coopération internationale (pilier 5). Les 21 mesures adoptées lors du Sommet des chefs d’Etat de la CEMAC organisé à Yaoundé en décembre 2016 à l’initiative de Son Excellence le président Paul BIYA, sont reparties sur ces cinq piliers et visent toutes la mise en œuvre « des actions rapides, vigoureuses et coordonnées, aussi bien au niveau national que sous-régional, pour la stabilisation du cadre macroéconomique et une transformation structurelle et profonde des économies de la sous-région, afin d’en renforcer la résilience et de les placer sur le sentier de l’émergence ».

Quels sont donc les résultats obtenus à ce jour ?

A ce jour, des progrès notables ont été enregistrés dans la mise en œuvre de ces mesures, aussi bien au niveau des Etats membres que des Institutions de la CEMAC.

Au plan économique et budgétaire, tous les Etats ont pris des mesures rigoureuses visant l'amélioration de la qualité de la dépense publique et l'élargissement de l'assiette fiscale pour améliorer la mobilisation des recettes intérieures en vue de faire face à la problématique de l’ajustement budgétaire. Par ailleurs, la Commission de la CEMAC, responsable de l’amélioration de la coordination des politiques budgétaires, a mis en place un nouveau dispositif de la surveillance multilatérale avec des critères rénovés de convergence des économies qui tendent à harmoniser davantage les pratiques budgétaires dans les différents Etats. A ce jour, presque tous les Etats ont transposé et mis en œuvre les nouvelles directives du cadre harmonisé de gestion des finances publiques.

Sur le plan de la politique monétaire et du système financier, des actions ont été mises en œuvre au niveau de la BEAC dans le cadre du renforcement de l’efficacité de la politique monétaire et de la réglementation des changes. Ces actions complétées par les efforts d’ajustement budgétaire au niveau des Etats ont permis de réduire sensiblement les déficits extérieurs courants, d’atténuer la pression sur les réserves de change, et de favoriser les décaissements effectués par les États sous programmes avec le FMI. La mise en œuvre appropriée de ces actions s’est répercutée sur le niveau actuel des réserves de change, qui se situe à environ 3,2 mois d’importation des biens et services à fin septembre 2019, contre 2,3 mois en 2016.

En matière de réformes structurelles dans la sous-région, il convient de souligner que des progrès ont été réalisés dans la sous-région en lien avec la mise en œuvre des réformes contenues dans le PREF-CEMAC et dans les programmes avec le FMI. Toutefois, en vue de favoriser leur accélération, il a été recommandé aux Etats membres de concevoir et mettre en œuvre une stratégie nationale de diversification économique mettant l’accent sur la formation des ressources humaines, le développement des chaines de valeur et l’approvisionnement du marché sous régional. Par ailleurs, il conviendrait pour chaque pays d’élaborer un cadre juridique propice au développement de partenariats public-privé et de recourir de plus en plus aux formes alternatives de financement des économies.

Sur l’intégration régionale, la mise en œuvre effective des décisions relatives à la libre circulation au sein de la CEMAC est réalisée. Cependant, cette libre circulation qui est assez fluide au niveau des frontières aériennes doit absolument s’étendre aux frontières terrestres. Les barrières et obstacles non tarifaires qui affaiblissent les échanges des produits locaux doivent être éliminés. Dans ce cadre, les ministres en charge de la sécurité des pays de la CEMAC se sont réunis et ont pris des mesures idoines à cet effet.

Enfin, sur la coopération internationale, cinq des six pays sont entrés en programme avec le FMI, et le dernier restant a engagé des négociations satisfaisantes pour mettre en place son programme. La mise en œuvre des programmes avec le FMI et des mesures du PREF-CEMAC a permis de renforcer la stratégie de sortie de crise ainsi que la reconstitution progressive des réserves de change de la sous-région.

La sous-région a désormais une bourse unique après la fusion des places de Douala et Libreville. Peut-on enfin espérer un décollage du marché financier en Afrique centrale ?

En effet, les actions menées par le Comité de pilotage du PREF-CEMAC, la Commission de la CEMAC et la BEAC ont conduit à bon escient à l’aboutissement du processus de fusion des deux bourses régionales, marqué par la signature, le 1er juillet 2019, du Traité de fusion par les assemblées générales extraordinaires de Douala Stock Exchange (DSX) et de la Bourse des Valeurs Mobilières d’Afrique centrale (BVMAC). Cette fusion permet dorénavant aux Etats et aux entreprises de la sous-région de disposer d’une place financière unique pour la réalisation des actions de placement et de levée de fonds pour le financement de leurs activités.

Par ailleurs, l’installation solennelle du président du Conseil d’administration et du directeur général par intérim de la nouvelle bourse unifiée de la CEMAC, intervenue lors de la neuvième session ordinaire du Comité de pilotage du PREF-CEMAC, tenue à Douala, le 5 juillet 2019, permet d’insuffler un dynamisme aux activités de bourse de valeurs en zone CEMAC.

Les travaux en cours au niveau de cette nouvelle structure, notamment la mise en place de son plan d’actions, avec l’appui et l’accompagnement des Etats, ainsi que des partenaires au développement, favoriseront le décollage définitif de cette dernière. Ceci devra passer par l’identification et l’activation des principaux leviers de dynamisation du marché financier régional afin de garantir son démarrage réussi.

D’ores et déjà, des discussions sont très avancées avec la Banque mondiale et la Banque Africaine de développement (BAD) pour préciser les différentes actions à mener au cours de cette phase cruciale. Il sera question de travailler notamment sur :

la création des conditions de départ pour la redynamisation du marché financier régional par des mesures ponctuelles fortes des Etats, à travers notamment des apports directs de titres à la cote à court terme (programmes de privatisation, mesures de dernier recours contraignant certaines entreprises opérant dans la CEMAC à introduire une partie de leur capital sur le marché, etc.) ;

la mise en valeur d’émetteurs « modèles » et d’intermédiaires de référence capables de porter le marché et de véhiculer une image positive, à travers une promotion active du marché auprès des émetteurs potentiels via un plan marketing, l’accompagnement et le développement de la culture boursière locale ;

l’élaboration d’un programme de structuration de l’offre à moyen terme, pour l’adapter aux besoins de financement des économies et aux comportements des investisseurs de la CEMAC.

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