Eternel Manu

Y a-t-il plus difficile à écrire qu’un article sur Manu Dibango, le jour de son décès ? Pour le journaliste, né dans les années où le saxophoniste avait déjà étonné le monde avec, entre autres, son légendaire Soul Makossa, rien à voir avec les choses vues et entendues de tous les jours, les billets d’humeur caustiques ou les commentaires sur l’actualité politique au quotidien. Il s’agit là d’écrire. Au sens propre. De trouver des mots suffisamment forts, des phrases suffisamment éloquentes, pour se mettre à la hauteur de la stature de l’homme qui nous quitte aussi brutalement, aussi facilement. 
Mais où donc, trouver des mots que la planète musicale entière n’ait pas déjà prononcés et répétés depuis cette fatidique matinée du 24 mars ? On l’a dit et redit : c’est un monument, une légende, une icône qui s’en va. Et même si, fidèle à son tempérament d’homme de contacts, fidèle à son humilité et à sa simplicité, Manu a tiré sa révérence au milieu d’une foule de dizaines de milliers d’autres victimes de cette macabre épidémie de coronavirus, ce décès-là laisse une énorme tache noire. Un immense vide. Quand on a dit cela, la feuille blanche est à peine noircie au quart. 
Restent alors le silence et la tristesse. Les mêmes que l’on ressent quand on vient de perdre un membre de sa famille. Un père, un grand-père, un oncle attachant, un frère aîné. Oui, voilà ce que représentait en vrai, le « Grand Manu » pour chacun des fils et filles de ce pays. On avait beau être né 40 ou 50 années après ses premiers succès, il était quand même là. Omniprésent dans notre vie quotidienne. On avait beau ne pas être fan de sa musique, on la trouvait peut-être trop sophistiquée, il était quand même incontournable pour chacun. Parce que son talent occupait tout l’espace. Il y avait des compositions de légende, reprises par les jeunes générations. Mais aussi ces multiples choix qu’offraient les œuvres de Manu Dibango aux animateurs d’antennes radio et télé. Il y avait toujours quelque part, un air de Manu dans les génériques çà et là
C’est aussi cela l’immensité de l’homme qui a quitté la scène hier à Paris. Une rare capacité à survivre au temps qui passe. Et surtout à fédérer autour de sa musique, toutes les sensibilités. Comment a-t-il fait ? En étant avant tout un bon Camerounais, c’est-à-dire un homme pluriel dans sa culture et dans son art. Un homme ouvert d’esprit pour tout dire. Son afro-jazz, avant de faire le tour du continent, s’était déjà enrichi de tous les trésors que comptent les différents coins du triangle national. Le génial touche-à-tout avait réussi l’alchimie presque parfaite. Chaque Camerounais pouvait donc facilement s’identifier à cette musique « nationale &r...

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