« La pédagogie de la sanction n’est pas incompatible avec la démocratie »

Pr. Manassé Aboya Endong, politologue, directeur exécutif du Groupe de recherches sur le parlementarisme et la démocratie en Afrique (GREPDA).

Au lendemain des élections législatives et municipales, plusieurs partis politiques ont signalé des cas d’indiscipline en leur sein. Cela traduit quoi, selon vous ?

D’emblée, il faut indiquer que cette situation est une constance dans la vie politique contemporaine. En effet, les contextes électoraux sont les moments pendant lesquels l’indiscipline se donne à voir dans tous ses relents perturbateurs au sein des partis politiques. C’est précisément à ces moments que le rapport à la discipline du parti est problématique. Ceci peut s’expliquer du fait du comportement de certains militants qui prennent des libertés avec la discipline du parti, notamment lorsqu’intervient l’étape cruciale et décisive des investitures des candidats aux élections législatives et municipales. La discipline du parti pose aussi problème lorsque les choix « stratégiques » de ceux qui président aux destinées d’une formation politique sont contestés à l’intérieur du parti, comme on a pu le constater dans l’option du boycott des élections municipales et législatives par certaines formations politiques. Déçus de ne pouvoir pas être candidats du parti ou frustrés de ne pouvoir défendre le programme politique du parti à la faveur d’une consultation électorale, certains militants s’illustrent systématiquement par une indiscipline défavorable à la cohésion interne du parti. Cela traduit une conception subjective du militantisme et trahit un déficit de culture démocratique et de fair-play et, finalement, une socialisation approximative aux valeurs symboliques du parti.

Pourquoi la discipline du parti a finalement du mal à être respectée par les militants ? 

Plusieurs variables explicatives peuvent être convoquées pour analyser la problématique de la discipline de parti. L’idée qu’on se fait du militantisme, la conception qu’on a de la démocratie ou le ressenti d’une marginalisation née d’une frustration subjective, etc., ne rendent pas compte de manière objective des libertés prises vis-à-vis de la discipline du parti.  Une approche moins subjective de l’explication doit nécessairement intégrer dans l’analyse le déficit de culture démocratique et de socialisation aux valeurs du fair-play. Le militantisme est un investissement à court, moyen ou long terme. La rétribution du militantisme peut être différée, elle peut connaître des ruptures et des continuités. Mais, le militantisme de conviction doit contribuer à gérer autrement le ressenti d’une frustration. La démocratie s’accommode aussi des valeurs de tolérance, de pédagogie et d’humilité. Le respect de la discipline reste la garantie de la survie d’un parti politique, de sa capacité à durer dans le temps, à survivre à ses fondateurs et à résister aux contextes défavorables qu’il est appelé fatalement à éprouver. Le rapport à la discipline est essentiel, voire décisif pour la (sur)vie du parti.

Au nom de quoi devrait-on donc sanctionner un militant dit indiscipliné ? Au nom de la démocratie ou de la discipline du parti ?

La pédagogie de la sanction dans le cadre de la discipline du parti n’est pas incompatible avec la démocratie. Mieux, protéger la démocratie ou promouvoir le fair-play c’est aussi  sanctionner les indisciplinés, puisqu’autant la discipline est la force des armées, autant elle est la garantie de l’unité et de la stabilité des partis politiques. Loin d’être une manifestation ou un vestige de l’autoritarisme, la sanction qui s’applique à un cas d’indiscipline participe d’une pédagogie. Sa fonction dissuasive permet d’éviter que l’acte d’indiscipline toléré fasse tache d’huile ou inspire d’autres militants ...

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