« Il faut questionner l’utilité des subventions »

Pr Henri Ngoa Tabi, économiste.

L’année 2020 qui s’achève a été particulièrement dure pour le Cameroun qui avait commencé à retrouver une santé économique après la crise de 2016. S’il vous était donné de dresser un bilan de santé concret de l’année économique du Cameroun, quel serait-il ?
Le bilan de la santé de l’économie camerounaise au cours de l’année 2020 est difficile comme celui de la quasi-totalité des pays du monde. L’économie camerounaise a subi, d’une part, plusieurs chocs conjoncturels comme la crise sécuritaire dans les régions de l’Extrême Nord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, la chute des cours des matières premières (principalement le pétrole). Ces chocs ont eu un impact très négatif sur les recettes fiscales ainsi que sur l’effondrement des réserves des devises. D’autre part, les problèmes d’ordre structurel tels que les coûts élevés des facteurs de producteur, un environnement des affaires difficile ont grevé la compétitivité des entreprises. En sus de tous ces chocs toujours en cours, le choc sanitaire lié au Covid-19 au cours de l’année va amplifier les difficultés de l’économie camerounaise. S’en suivra au niveau international, un choc de la demande avec un tassement de cette demande et un choc de l’offre avec la contraction de cette offre. Enfin, au niveau national, l’offre et la demande connaîtront aussi une forte baisse. Face à ce tableau pas très reluisant, l’économie camerounaise va subir sa première récession économique depuis 30 ans avec un taux de croissance de -2,8% d’après les projections pour l’année 2020.  Ce taux est en retrait de 6,8 points par rapport aux projections envisagées au début de l’année.
Les mesures de relance prises pour soutenir les agents économiques peuvent-elles véritablement contribuer à la relance de l’économie nationale ?
Il y a eu des mesures budgétaires et monétaires qui ont été prises pour stabiliser l’économie camerounaise. Parlant des mesures budgétaires, il s’agit, entre autres, du renflouement de la trésorerie des entreprises à travers l’allocation d’une enveloppe spéciale de 25 milliards de F pour l’apurement des arriérés de dette intérieure, de l’apurement des stocks de crédits de TVA en attente de remboursement, de l’exonération au titre du deuxième trimestre de l’impôt libératoire et des taxes communales au profit des petits revendeurs de vivres, de l’octroi de moratoires et différés de paiement aux entreprises directement affectées par la crise. S’agissant des mesures monétaires la BEAC a annoncé un ensemble de mesures d’assouplissement au niveau sous régional, comprenant, une baisse du taux directeur de 25 points à 3,25%, une baisse du taux de facilité de prêt marginal de 100 points à 5% , une augmentation de la provision de liquidité du F 240 à 500 milliards, un élargissement de la gamme des instruments privés acceptés en garantie dans des opérations monétaires, un programme d’achat de titres d’Etat pour une durée des six prochains mois et un montant global de 600 milliards a été institué. Ainsi, toutes ces mesures budgétaires et monétaires sont des mesures de très court terme pour stabiliser l’économie camerounaise en préservant l’outil de production. Il ne s’agit donc pas de mesures de relance. De plus, les mesures monétaires ne jouent pas encore pleinement leur rôle. La consommation des liquidités rendues disponibles par la BEAC n’est que de 25,52%. Le marché inter bancaire reste toujours très frileux! Bref, le crédit à l’économie ne fonctionne pas. Il en faudra encore un peu plus pour soutenir une véritable relance.
Dès le 1er janvier 2021, la stratégie nationale de développement, nouvelle boussole du Cameroun pour son développement, va être mise en œuvre. Quels leviers devraient être activés pour une réussite de cette stratégie quand on sait quel a été le bilan du DSCE ?
Le modèle de développement basé sur le DSCE a été celui du « Big Push » c’est-à-dire un processus de développement lancé dans tous les secteurs (primaire, secondaire, tertiaire) quasiment au même rythme et quasiment au même moment. Ce modèle qui a initié plusieurs projets structurants, n’a pas pu les achever à cause des problèmes de coordination et de financement. La stratégie nationale de développement (SND30) adopte une nouvelle approche. Ainsi, pour une réussite de cette stratégie, les leviers à activer sont de l’ordre de quatre dans ce document. Le principal levier est celui de la transformation structurelle, puis du capital humain, de l’emploi et de l’insertion professionnelle de jeunes et enfin de la décentralisation.
L’un des piliers de cette stratégie est la transformation structurelle de l’économie nationale. Pour vous, comment peut-elle être réussie ? 
La transformation structurelle est le transfert des ressources des secteurs les moins productifs vers les secteurs les plus productifs. Afin que la transformation structurelle soit une réussite, il faudra activer quatre sources à savoir : la croissance de la productivit&eac...

Reactions

Commentaires

    List is empty.

Laissez un Commentaire

De la meme catégorie