« Lorsque la tradition est mise de côté, la politique s’invite »

Abakar Ahamat, administrateur civil principal hors échelle, ancien gouverneur de région

Au Cameroun, comment s’opère la désignation des chefs traditionnels ?
S’agissant d’un domaine purement traditionnel, chaque entité utilise le processus rituel et culturel fixé par les us et coutumes de la communauté concernée. Généralement, la plupart des chefferies ont des mécanismes bien huilés et bien connus qui font intervenir des aspects magico-religieux, mythologiques et même mystiques, propres au contexte considéré. Toutefois, les autorités administratives, interprètent l’article 10 du décret n°77/245 du 15 juillet 1977 qui dit qu’en cas de vacance d’une chefferie, l’autorité administrative procède sans délai aux consultations nécessaires, en vue de la désignation d’un nouveau chef, et procède aux élections avec urne et bulletins de vote. Pour elles, les consultations s’assimilent aux consultations électorales. Or, l’article 11 qui précise que les notabilités coutumières compétentes sont obligatoirement consultées, en vue de la désignation d’un chef devrait être suffisant pour faire comprendre que ladite consultation n’est pas assimilable aux élections. La consultation, objet de l’article 10, consiste donc, en réalité, pour l’autorité administrative, à aller vérifier auprès des notabilités locales si la désignation a été faite conformément aux us et coutumes du milieu et il dresse donc un procès-verbal de cette consultation.
Dans le décret du 15 juillet 1977 il est dit, à l’article 8, que « les chefs traditionnels sont, en principe, choisis au sein des familles appelées à exercer coutumièrement le commandement traditionnel ». Pourquoi le législateur a-t-il intégré l’expression « en principe » ?
Le décret de référence contient de nombreux termes ambigus au nombre desquels cet adverbe « en principe ». En utilisant ce terme, j’imagine que c’est pour donner des coudées franches aux autorités. Ceci, pour pouvoir justifier le choix d’un candidat autre que celui issu des familles y ayant droit, en arguant que dans lesdites familles, il n’y aurait pas eu de personnes de valeur. C’est mon interprétation. Elle peut être exagérée ou erronée, mais ne serait pas loin de la vérité. 
Comment expliqueriez-vous l’attrait grandissant pour les chefferies traditionnelles ?
De plus en plus, des jeunes princes ayant fait de bonnes études deviennent des chefs traditionnels et, par la suite, occupent d’importantes positions administratives ou politiques. Avec les moyens subséquents dont ils disposent, ils arrivent à redonner une image enviable à la chefferie. Donc de nombreux « intellectuels » pensent pouvoir utiliser ce strapontin pour être ministre, PCA, Parlementaire, ou mieux. La Constitution de 1996 ayant ouvert un boulevard aux chefs traditionnels pour leur entrée aux Conseils régionaux, cela a aiguisé les appétits de certaines élites qui se sont jetées dans la bataille d’acquisition des titres nobiliaires ou nobilisants, pensant trouver dans ce créneau, une possibilité d’encrage, d’immortalité et donc de p&e...

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