« Il y a 12 millions d’hectares de terres à restaurer »

Pierre Hélé, ministre de l’Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement durable.

célébrer la journée mondiale de l’environnement sur le thème « Restaurer les écosystèmes ». Pour vous, Ministre en charge de l’Environnement, quelle est la portée de ce thème pour le Cameroun ?
Ce thème interpelle le Cameroun en ce sens que la question de dégradation des terres constitue une des principales préoccupations environnementales pour notre pays. En effet, au regard des études récentes, tous les écosystèmes issus des cinq zones agro écologiques du Cameroun sont touchées par cette contrainte : environ 8 millions d’hectares dans la partie soudano-sahélienne, 67 000 ha de l’écosystème des mangroves dans la zone côtière et presque 4 millions pour la zone des hautes montagnes de l’Ouest et la partie forestière. Ce qui indique un niveau de dégradation d’environ 12 millions d’hectares de paysages et de terres. Nous avons donc là toutes les raisons de croire que notre pays est fortement concerné par ce thème.  
Cette célébration a pour trame de fond la restauration des écosystèmes. Comment votre département ministériel s’y prend-il, quand on sait selon diverses études que la dégradation et/ou la perte en terre des écosystèmes, notamment le couvert forestier, est assez prononcée depuis quelques années ?
Avant toute chose, permettez-moi de rappeler que l’approche adoptée par notre pays part du constat fait par le groupe de réflexion de Bonn sur les paysages qui estime à environ 2 milliards d’hectares de paysages et de terre dégradées à travers le globe. Il a donc été proposé selon d’autres études, qu’en restaurant 350 millions d’hectares de cette proportion, on pourrait générer 170 milliards de dollars US par an de bénéfices nets issus de la Restauration des Paysages Forestiers, stocker jusqu’à 1,7 gigatonne de dioxyde de carbone par année et développer des services environnementaux importants. De cette analyse est né le concept de « Bonn Challenge », qui constitue aujourd’hui le défi le plus important qui devrait positivement contribuer à la lutte contre les changements climatiques. C’est dans ce contexte qu’un engagement africain est né pour contribuer à ce challenge à travers la restauration de 100 millions d’hectares dans le cadre de l’initiative African Forest Landscape restoration (AFR100). Le Cameroun a rejoint l’initiative en déclarant son engagement à restaurer les 12 millions d’hectares de paysages et de terres dégradés évoqués plus haut. Cela devrait nous permettre à travers un processus participatif, de contribuer à recouvrer l’intégrité écologique de nos écosystèmes et améliorer le bien-être humain. C’est sur cette base qu’on a organisé la stratégie à mettre en œuvre qui nous a permis aujourd’hui après l’élaboration d’un cadre stratégique et la conduite d’une étude faisabilité, de parvenir à la signature prochaine de deux conventions de financement pour la mise en œuvre de deux projets AFR100. Combinés à d’autres efforts nationaux dans le cadre de la mise en œuvre du Plan d’Action National de lutte contre la désertification (PAN-LCD) et des projets développés dans d’autres secteurs, on pourra significativement bouger les lignes et créer une culture de restauration des paysages dans tout le pays. 
Le Cameroun est signataire de l’Accord de Paris sur les dérèglements climatiques. Comment se passe la mise en œuvre de ces engagements au niveau de notre pays aussi bien en termes d’obligations que de soutien ? 
Effectivement, le 12 décembre 2015, la communauté internationale, réunie à Paris (France) dans le cadre de la 21e Conférence des Parties (CoP21) à la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). Durant cette rencontre, il était question d’adopter un accord universel pour lutter contre les changements climatiques et de s'adapter à ses conséquences par l’accélération et l’intensification des actions et des investissements nécessaires à un avenir durable et à faible intensité de carbone. L’entrée en vigueur de l’Accord étant prévue pour 2020, la période préparatoire (2015 à 2020) devait être consacrée à la négociation sur les modalités de mise en œuvre (« Rulebook ») et à la mise en place des mécanismes préparatoires au niveau des pays parties (stratégie globale, plan d’action, système de suivi évaluation, information et implication des parties prenantes, etc.). La finalisation du Rulebook est bloquée par l’article 6, qui traite des mécanismes de coopération dans la mise en œuvre des CDN par l'utilisation de résultats d'atténuation transférés au niveau international (RATI). Cet article prévoit le paiement d’une partie des fonds provenant d'activités des RATI aux pays en développement particulièrement vulnérables aux effets néfastes des changements climatiques, pour le financement des activités d’adaptation.
Dans sa Contribution Déterminée au niveau National (CDN), le Cameroun a pris l’engagement de réduire de 32% ses émissions de gaz à effet de serre (GES) en 2035, par rapport à un scénario de référence dans lequel, aucune intervention publique nouvelle ne vient tempérer les émissions liées au développement du Cameroun. 
Compte tenu des réajustements de la vision de développement du Cameroun reflétés dans la nouvelle Stratégie Nationale de Développement 2020 -2030 (SND 30), les actions suivantes sont en cours ou projetées :
a)    l’élaboration d’une stratégie de mise en œuvre de la CDN et d’un Plan d’Action Climat (PAC) qui intègreront : une planification temporelle et spatiale des actions à conduire à court, moyen et long terme ; un plan de mobilisation et de traçabilité des ressources financières (interne et externe) ; un plan de suivi et d’évaluation des interventions ; un système interactif d’informations climatiques pour faciliter la prise en compte du changement climatique dans la mise en œuvre des politiques publiques etc. ;
b)    le réajustement de la CDN actuelle afin de redéfinir les priorités et les actions visant à revoir à la hausse les engagements tel que recommandé par l’Article 4 de l’Accord (en cours) ;
c)    la vulgarisation du modèle économique LEDS et l’analyse de l’opportunité de son intégration dans les processus de planification de notre économie pour à terme réduire ou limiter nos émissions de gaz à effet de serre ;
d)    la pleine opérationnalisation des mécanismes de coordination de la CDN, en les dotant du pouvoir nécessaire, ainsi que des moyens matériels et financiers conséquents.
Par ailleurs, il a été élaboré des documents stratégiques et identifié des projets pilotes pour soutenir nos efforts :     
- la finalisation de la Stratégie Nationale de Réduction des Emissions liées à la Dégradation et à la Déforestation (SN REDD+) avec l’appui du Forest Carbon Partnership Facility (FCPF) en 2018 ;
- l’élaboration du Cadre National d’Investissement (CNI) forestier en 2019 avec l’appui du Central Africa Forest Initiative (CAFI). 
- la réalisation en 2017 d’une étude approfondie des moteurs et tendances de dégradation et de déforestation dans les 05 zones agro-écologiques du Cameroun. Il en ressort que la déforestation, historiquement autour de 0,1% dans les années 2000, a connu une hausse considérable à partir de 2010 pour atteindre environ 0,23% en 2014. La forêt camerounaise couvrait environ 29 millions d’hectares en 2010 (ann&...

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