« Le respect de cette exigence est encore mitigé »

Pr. Serge Paulin Akono Evang, Maître de conférences en science politique, Université de Douala

Comment appréciez-vous la prise en compte de la représentation de la diversité sociologique au sein des différentes formations politiques du pays, comme l’exigent certains instruments juridiques ?
La prise en compte de la représentation de la diversité sociologique ou, au mieux, la « prise en compte des composantes sociologiques », c’est-à-dire des réalités sociales, des catégories sociales, des groupes sociaux, tant au niveau local qu’au niveau national, est une exigence politique fondamentale prise en charge juridique, c’est-à-dire consacrée, par la Constitution, le Code électoral et les autres instruments juridiques nationaux. Elle s’impose conséquemment à tous les acteurs politiques, notamment les partis politiques, aussi bien en ce qui concerne leur champ discursif que leur champ d’action, à savoir la composition de leurs organes dirigeants et listes des candidats lors de la compétition électorale intrapartisane (à l’intérieur des partis) et interpartisane (entre les partis politiques). A date, le respect et l’application de cette exigence sont mitigés, et amènent à démarquer le parti au pouvoir des partis d’opposition. Effet, le volume du contentieux électoral afférent aux listes donne à voir l’annulation de certaines listes pour non-prise en compte des composantes sociologiques. Ce qui veut dire que la constitution de celles-ci est peut-être viciée lors des primaires ou de tout autre moyen validé par les partis politiques. L’on doit reconnaître qu’en termes de prise en compte de cette représentation de la diversité sociologique, le parti au pouvoir, héritier du parti unique, bénéficie logiquement et politiquement d’un avantage comparatif par rapport aux partis politiques de l’opposition. Son expérience en tant que parti d’intégration nationale capitalise, justifie et facilite sa projection périphérique, c’est-à-dire son implantation sur toute l’étendue du territoire national. Ce qui n’est pas toujours aisé pour les partis politiques d’opposition qui doivent construire et élargir leur base sociale en mobilisant un capital humain quantitatif et qualitatif. Néanmoins, les listes validées confirment le respect progressif de cette exigence.


En quoi cette pratique est-elle importante pour le paysage politique national ?
Cette pratique est importante dans le paysage politique camerounais parce qu’elle responsabilise les partis politiques dans leur fonction d’intégration-légitimation. Il en est ainsi dans la mesure où la prise en compte de la représentation de la diversité sociologique n’est que la traduction et la poursuite de la politique de l’équilibre régional, qui, quoique disputée, participe effectivement et affectivement de la cohésion, de l’imbrication des populations, et partant de l’unité et l’intégration sociopolitiques des Camerounais. Il s’agit donc pour les partis politiques de transcender la représentation tribale ou ethnique, identitaire (au sens large), pour une représentation nationale qui les légitime sur la scène politique nationale et internationale. La prise en compte des composantes sociologiques, donne à voir le sentiment d’appartenir et de construire une même nation en transcendant les clivages et crises ethno-identitaires.

 
L’on se rend compte que malgré l’insistance de la loi, certains partis politiques ont du mal à respecter la diversité sociologique. Qu’est-ce qui peut bien expliquer cela ?
En effet, le respect de la représentation de la diversité sociologique demeure problématique au regard des technologies politiques de certains partis politiques. Cela n’est pas forcément dû à la mauvaise foi ou à la méconnaissance de la réglementation, d’autant plus que la légalisation du parti impose déjà cette exigence.  Cette réalité est compréhensible, entre autr...

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