« Le succès de l’import-substitution nécessite des investissements importants »

Pr. Désiré Avom, économiste.

Professeur, dans le cadre de sa politique d’import-substitution, es conditions d'importation de certains produits de grande consommation ont été durcies, selon certaines dispositions de la loi de finances. A quoi peut-on s’attendre ?
Les dispositions fiscales sont susceptibles d’affecter l’économie via deux canaux: un canal d’offre et un canal de demande. Les effets d’offre transitent par des mécanismes d’incitations suite à une baisse d’impôts, alors que les effets de la demande reposent sur le revenu disponible des agents. Il est certain que les mesures fiscales édictées par la nouvelle loi des finances auront, comme dans le passé, des conséquences sur le secteur extérieur à partir des importations pour lesquelles notre économie développe une certaine dépendance à quelques produits de grande consommation. Ces dispositions fiscales peuvent toutefois être contre-productives, en provoquant l’accroissement des pénuries, pénalisant ainsi de nombreux ménages. Par ailleurs, le durcissement de ces conditions devrait accélérer l’urgence de la transformation de notre appareil de production, pour lui permettre de répondre efficacement à la demande locale, plus largement communautaire, voire africaine. 

Imposer des  les quotas d’importations des produits comme le riz, le poisson, ne serait-il pas de nature de booster la production locale ? 
Oui c’est ce qui est attendu d’une politique de quotas, considérée comme un instrument de politique commerciale non tarifaire à côté des normes, embargos, etc. Elle diffère de la politique tarifaire basée essentiellement sur les droits de douanes et progressivement affaiblie par les dispositions du GATT qui a existé de 1947 en 1995, puis remplacé par  l’OMC. Mais pour que la stratégie des quotas soit efficace, il faudrait qu’il existe une structure productive diversifiée, souffrant principalement de la concurrence des produits étrangers. En l’absence d’une telle structure comme c’est le cas de notre économie, les politiques d’industrialisation devraient accompagner la politique de quotas avec des investissements lourds dans le secteur manufacturier, plutôt que dans l’exportation des produits primaires. Par ailleurs, les Etats mettent généralement en place les systèmes de quotas par le biais de licences, en tant que titres de propriété portant sur le droit pour leur détenteur d’importer ou d’exporter une certaine quantité d’un bien donné en fonction de critères administratifs. Tout comme les droits de douane, les quotas d’importation ont tendance à renchérir les prix intérieurs des produits importés et à augmenter, au détriment des consommateurs, les revenus des producteurs nationaux des produits qui concurrencent ces importations. Les recettes générées induisent des rentes de quota captées par l’Etat lorsque les licences sont vendues ou mises aux enchères, et bénéfiques au financement des initiatives locales de production. Au total, bien que l’objectif de limitation des quotas vise initialement à booster l’industrie locale, il convient toutefois de relever que le gain net social dépendra de la capacité mais bien plus de la rapidité de réponse de l’appareil de production. Pour éviter les tensions socio-politiques, ce dernier devra être capable de combler dans un délai raisonnable le gap de demande interne causé par la politique de quotas.

Certaines facilités fiscalo-douanières sont par ailleurs accordées pour les intrants et autres produits pouvant permettre de booster la production locale mais l’effet escompté ne suit pas. Que faut-il de plus pour encourager les acteurs ? 
Deux possibilités sont associées à ces facilités fiscalo-douanières. Premièrement, l’acquisition des parts de marché, et deuxièmement la consolidation des quantités produites par les entreprises nationales. Cependant, les effets escomptés ne sont possibles que si de nombreux défis liés à la construction d’un modèle économique, reposant sur la diversification des sources de la croissance, sont adressés. Aussi, la modernisation de l’appareil de production et la régularité des subventions devraient viser à optimiser le secteur industriel et valoriser les ressources à travers leur transformation et la production des marchandises devant contribuer au soutien des autres secteurs et à couvrir les besoins croissants de la population. L’une des limites des mécanismes fiscalo-douaniers mis en place serait un délai d’ajustement long du secteur productif pour adapter ses objectifs de production aux besoins des consommateurs locaux. Ce temps d’ajustement pourrait générer un effet pervers, à savoir le détournement de ces mesures par certains acteurs du secteur privé qui les utiliseraient, à cause de la fragilité de l’appareil fiscal, à d’autres fins. Mettre en place des politiques de soutien au secteur privé à travers par exemple la protection des droits de propriété pourrait encourager les acteurs. Parmi ces mesures, on pourrait aussi relever les conditions d’accès aux financements et la lutte contre la contrebande.   

En parlant d’import-substitution maintenant, ne met-on pas la charrue avant les bœufs, quand on sait le Cameroun fait face à des défis tels que l'accès aux terres, la disponibilité de l'énergie électrique, la main d'œuvre qualifiée, etc qui sont des freins à une production agropastorale à grande échelle ? 
Le succès de l’import-substitution nécessite effectivement des i...

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