Charles Emmanuel Njiké : l’EEC pleure un de ses premiers bergers

Avant son décès à 96 ans, il est sorti d’une retraite dont il jouissait depuis 26 ans, pour taire une querelle qui divisait l’Eglise depuis 2017 et dont l’issue était incertaine.

Autant les premiers moments de la pastorale du pasteur Charles Emmanuel Njiké, (décédé le 10 janvier dernier) étaient emblématiques, autant ses derniers actes resteront indélébiles dans la vie de l’Eglise évangélique du Cameroun (EEC). Avait-il une mission messianique ? Peut-être ! Au paroxysme de la crise qui secoue l’EEC, dont le dossier pendait à la Cour suprême, le patriarche est sorti de sa retraite dont il jouissait depuis 26 ans, pour tenter une réconciliation. Charles Emmanuel Njiké essayait là où le tribunal peinait à dire son dernier mot, là où deux ministres de l’Administration territoriale n’avaient pas réussi, où N tentatives de solutions ont été veines.
Un bureau de l’Eglise, élu au Synode général de Ngaoundéré en 2017, avait été adoubé, puis contesté une semaine après l’élection, par une aile dissidente restée téméraire. La situation a plongé l’Eglise dans une sorte d’impasse : plus de consécration de bergers, plus d’affectation, offensives, contre-offensives, perturbations des offices cultuels, menaces, etc. Le feu couvait depuis cinq ans.
Puis, en octobre dernier, on apprend qu’un vieil homme s’est introduit dans l’arène. Qu’y allait-il faire à 95 ans ? Avait-il la santé et la lucidité pour cerner un problème aussi complexe, aux enjeux tout aussi alambiqués? Le pasteur Njiké avait-il encore une ouïe fine pour supporter le vacarme ? Avait-il la force de stopper les « dinosaures » en conflit? Sa voix pouvait-elle encore porter ? Des questions et bien d’autres ! C’était sans compter la force de frappe de ce sage. N’est-il pas Emmanuel (Dieu avec nous), le pionnier ? Dans le feu de l’action, on découvre que le doyen reste clairvoyant et respecté. Nul ne connaît mieux que lui, les méandres de l’Eglise évangélique du Cameroun, qu’il a servie de la base au sommet. Il en était jusque-là, « la bibliothèque vivante », l’un de ses bâtisseurs, capable, selon le pasteur Justin Njouonang, « de retracer et de ressasser fidèlement l’histoire de son autonomie ». Justin Njouonang souligne, dans un de ses éditoriaux du journal « L’Appel », que le début du ministère de Charles Emmanuel Njiké, consacré en novembre 1957, coïncide avec l’année de l’autonomie de l’EEC. Le défunt prédicateur restait le seul survivant de la deuxième promotion de l’Ecole de théologie de Ndoungué (dans le Moungo), entrée en 1951.
Dans l’arène de la médiation, le doyen a résisté aux gladiateurs. Si le camp du président élu, Jean-Samuel Hendje Toya était favorable, la partie dissidente, conduite par Richard Priso Moungolé, s’est d’abord montrée sceptique, avant de se raviser. Avec tact, le patriarche engage des réunions stratégiques chez lui à Bangoua (dans le Ndé), avant de convoquer la grande pastorale d’unité et de réconciliation à Foumban. C’est à Foumban que le bout du tunnel de sortie de crise se dessine, même si on perçoit qu’on n’est pas totalement sortie de la « zone de turbulence ». Charles Emmanuel Njiké garde le charisme, contrôle le jeu et les enjeux, tempère les ardeurs, maîtrise la chair, utilise à point le verbe qu’incarne l’évangile. Finalement, il parvient à « désarmer » les belligérants. 
Le rendez-vous est pris pour le synode général extraordinaire à Yaoundé qu’il fixe au 15 décembre 2021 : le jour où on attend la fumée blanche. Les témoins affirment que rien n’a été facile ce jour-là. Dans les coulisses, des scènes se succédaient : volte-face, tension, conciliabules, renoncement, puis l’apothéose. Les protagonistes fument le calumet de la paix,...

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