Interview : « la régénération naturelle des côtes est la solution »

Dr Raphael Onguene, océanographe, professeur à l’université de Douala.

Jusqu’où l’avancée de la mer est-elle un sujet de préoccupation au Cameroun ?
Oui. Nous avons des travaux scientifiques très récents et des articles publiés en 2020 qui portent justement sur le recul du trait de côte sur la côte camerounaise de Campo jusqu’à l’estuaire du Rio del Rey. Ces travaux montrent qu’il y a des hot spots, des endroits sensibles. Parmi ceux-ci il y a deux qui retiennent notre attention : la presqu’île de Cap Cameroun, qui est un des endroits les plus érodés de la côte camerounaise mais qui ne se classe qu’en deuxième position par rapport à ce qui se passe sur la côte du Sud-Ouest, autour de l’estuaire du Rio del Rey, où on enregistre des vitesses d’érosion de l’ordre de 10 mètres par an.
Comment le phénomène se manifeste-t-il ?
Je vais prendre deux cas : Manoka et Kribi. Il y a beaucoup d’activités liées à la pêche à Manoka. Il s’agit surtout du fumage de poissons. Pour des raisons que nous ne connaissons pas (et c’est un gros débat au niveau de la science), il se peut que le meilleur bois pour fumer le poisson c’est la mangrove. Le problème c’est comment réduire l’utilisation du bois de mangrove au bénéfice du fumage du poisson ? Ce que nous devons faire c’est utiliser les moyens technologiques pour créer des fours et fumoirs améliorés qui vont permettre de diminuer de manière drastique l’usage du bois de mangrove. Pour ce qui est de Kribi, quand vous allez à l’entrée de cette ville, vous voyez que la mer est déjà proche de la route. Ce sont les conséquences de la hausse du niveau de la mer et des changements de houles.

Mais nous avons pu déceler un problème causé par l’Homme, qui n’a rien à voir avec le port. Etant donné que la plage de Kribi est rocailleuse, on se rend compte que ce sont ces roches qui protégeaient la plage du recul du trait de côte. Cependant, les communautés taillent ces pierres pour les revendre. Partout où on a taillé ces pierres, une forte érosion a suivi. C’est le cas de la zone d’Eboundja, qui est un sanctuaire de ponte des tortues marines venant du monde entier parce que ces plages offraient des conditions propices à leur reproduction. La quasi-totalité des roches qui protégeaient Eboundja ont été taillées au bénéfice du génie civil. Aujourd’hui, cette plage est en train de reculer et de disparaitre. Mais le plus important dans notre recherche était de démontrer que l’érosion sur la plage de Kribi date de 40 à plus de 50 ans et que l’Homme par son action contribue à accentuer cette érosion.
Quelles solutions proposez-vous pour faire face efficacement au recul du trait de côte ?
Nous avons commencé à travailler concrètement sur les solutions de la ville de Douala. Je me suis rendu compte que les capacités économiques de ceux qui habitent les zones de mangrove sont très faibles. Quel est donc l’intérêt si on détruit la mangrove qui a une valeur économique et écologique très i...

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