Interview : « Une occasion pour structurer la politique d'import-substitution »

Louis Marie Kakdeu, économiste, président de la Coalition pour la production nationale au Cameroun (Copronat).

Les cours de blé ne cessent d'augmenter sur le marché international, ce qui a un impact sur le prix de la farine de blé au Cameroun mais aussi sur la qualité des produits dérivés. N'est-il pas temps de penser aux solutions alternatives ?
En effet, l'on pense à la solution locale depuis longtemps. Par exemple, en 2010, six membres du gouvernement avaient participé à une journée de dégustation au Palais des congrès de Yaoundé. On avait exposé le savoir-faire camerounais en matière de farine de substitution et de pain incorporé. C'était concluant. En 2011, une boulangerie Vert-Rouge-Jaune avait été installée au cœur du Comice agro-pastorale d'Ebolowa. Tout le monde avait mangé de ce pain incorporé. Dans la norme du pain au Cameroun, il est déjà prévu que l'on peut faire le « pain composé ». En 2017, le ministre en charge de l'Economie avait mis sur pied un groupe de travail dont la mission était de lui faire des propositions en vue de la promotion de la farine de substitution au Cameroun. Le rapport avait été déjà rendu. L'on sait déjà quel est l'état de la production au Cameroun pour se lancer dans une telle entreprise. J'étais moi-même chef de mission pour le septentrion. Les rapports sont disponibles. Il y a même eu un projet de structuration des producteurs locaux. Il y a certainement des blocages qu'il faut lever mais, tout est prêt sur le plan technique.

Comment cela peut-il concrètement se faire ?
Concrètement, il y a deux approches. Ceux qui croient à l'État-providence et pensent que l'État doit financer le processus et ceux qui croient aux privés et pensent que l'État doit seulement créer des conditions favorables. Il faut dire que depuis la loi de 1989, l'État du Cameroun a pris l'option libérale. C'est donc la deuxième approche qui croit aux privés qui devrait être explorer. Par conséquent, ce qu'il faut faire concrètement, c'est de réunir les acteurs de la production et de la transformation nationale pour structurer le secteur et les inciter à produire davantage. Nous pensons que le cadre législatif et réglementaire actuel est suffisant. On n'a plus besoin d'une nouvelle loi. Même une simple note ou décision suffirait comme cela a été le cas au Nigeria voisin. A la rigueur, même une simple interview de ministre suffirait, pour lancer le processus comme au Ghana.

Cette situation n'est-elle pas aussi une occasion pour donner un coup d'accélérateur à la politique d'import-substitution ?

On dit qu'à quelque chose, malheur est bon. Il faudrait profiter de cette situation pour structurer la politique d'import-substitution qui est normalement une politique d'industrialisation. Mieux, c'est un bénéfice pour notre économie et pour la santé publique pour au moins trois raisons. D'abord, cela permet de lutter contre la pauvreté en trouvant un débouché à nos paysans. Deuxièmement, ce projet permettrait de réduire le déficit de la balance commerciale du Cameroun qui se creuse davantage chaque année. On estime une économie en devises d'environ 18 milliards de F par an, ce qui n'est pas à négli...

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