« Les autorités religieuses peuvent jouer un rôle dans la déradicalisation »

Pr Claude Abe, sociologue, enseignant à l’Université catholique d’Afrique centrale.

Comment appréciez-vous les actions des confessions religieuses en faveur de la préservation de la paix au Cameroun ?
Globalement, ces structures d’articulation de la foi sont dans leur rôle. Le maître-mot de toutes les religions révélées c’est l’amour du prochain. Maintenant, chacune de ces confessions religieuses va de son doigté et de son inventivité pour arriver à traiter de la question. Il n’y a pas longtemps, le diocèse de Nkongsamba a organisé une rencontre pour parler des questions de paix. Au centre de cela, il y avait la crise dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. L’ensemble des éléments allait dans le sens de construire la cohésion sociale. Et c’est le discours que tiennent la plupart de ces églises. En dehors de ces initiatives singulières et internes à chacune, on voit également qu’il y a des cultes œcuméniques qui sont organisés pour prier au nom et en faveur de la paix. On en a vu concernant le Nord-Ouest, le Sud-Ouest et l’Extrême-Nord. On connait également les sorties habituelles de la Conférence épiscopale nationale du Cameroun qui ne manque aucune occasion pour appeler à la paix. En réalité, ces structures d’articulation de la foi opèrent chacune à son niveau, mais je dois dire que c’est aussi l’une des faiblesses. Car, en dehors de ces cultes œcuméniques, on ne les voit pas se mettre ensemble dans le cadre d’initiatives allant au-delà de la prière pour jouer sur le terrain de la médiation entre les divers protagonistes. Or, ce n’est pas l’expérience qui manque. Au sein de l’église catholique par exemple, il existe la congrégation de Sant’Egidio dont on connait l’apport au niveau du conflit armé au Mozambique. Pareil à la Conférence épiscopale de la RDC, où on voit ce clergé qui va au-delà des prêches et des messes œcuméniques et qui s’active au niveau de la médiation entre les divers protagonistes pour reconstruire la paix et réconcilier les individus.
Quel rôle la religion peut-elle jouer dans un contexte de crise, comme celles en cours dans le Nord-Ouest, le Sud-Ouest et l’Extrême-Nord ?
En tant qu’acteurs symboliques, les confessions religieuses sont particulièrement impliquées dans la mesure où on considère que leur discours tourne autour de l’amour et de la réconciliation. Au regard de la représentation que ces structures d’articulation de la foi ont auprès des fidèles, il y a le fait que les politiques de pardon qui sont mises en mouvement sont un certain nombre d’éléments qu’on retrouve sur le terrain. C’est des acteurs souvent considérés comme pertinents au niveau de l’intermédiation parce que n’étant pas présentés comme parties prenantes. On leur prête une grande importance en matière de résolutions des conflits.
Il y a des ministres du culte installés dans les zones de crise qui sont en contact avec les bandes armées et les populations. Quelle peut être la marge de manœuvre de ces derniers ?
Ces autorités religieuses peuvent beaucoup faire. A condition qu’elles montrent de la compassion par rapport aux attentes des protagonistes ou de ceux qui ont pris les armes dans une logique de radicalisation. Mais, il ne faut pas oublier que celles-ci vivent dans le risque permanent d’être indexées elles-mêmes par les groupes armés qui, très souvent, attendent de ces autorités un certain soutien. A cet égard donc, elles-mêmes ne sont pas à l’abri du risque et la marge de manœuvre peut devenir très réduite. Il faut jouer sur un fil à ce niveau-là. Mais comme aucune tension ne peut véritablement prospérer tant qu’on n’a pas accès aux populations. La grande...

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