« L’Etat unitaire a construit un solide socle territorial national »

Pr Mathias Éric Owona Nguini, maitre de conférences, enseignant de science politique.

Le Cameroun célèbre le cinquantenaire de son unité ce 20 mai. Quelles ont été les conséquences politiques du choix de passer d’un Etat fédéral à un Etat unitaire ?
Le choix de passer de l’Etat fédéral a l’Etat unitaire suite au référendum du 20 mai 1972 a considérablement allégé la structure de l’Etat, la rendant plus rationnelle au plan administratif et moins coûteuse au plan financier. Le passage à l’Etat unitaire a permis de construire un socle plus solide de l’Etat, favorisant une harmonisation de l’action publique et résolvant la fragmentation tri-étatique (Etat fédéral, Etat fédéré du Cameroun oriental et Etat fédéré du Cameroun oriental). Ce passage a considérablement simplifié la coordination étatique.
Comment appréciez-vous la manière avec laquelle le président de la République, Paul Biya, a géré cet héritage qu’est l’unité nationale, depuis son accession à la magistrature suprême ?
Le président de la République, chef de l’Etat, Paul Biya, a su à la fois préserver l’unité politique de l’Etat et en améliorer l’unité institutionnelle. Il a modernisé la gestion de cette unité nationale en la modernisant à l’occasion de la révision constitutionnelle de janvier 1996. Le président Paul Biya a effectivement conservé le cadre initial de l’unification entre 1982 et 1996. Il a ensuite modernisé la structure politique et institutionnelle de l’Etat unitaire avec la décentralisation constitutionnelle de 1996, en faisant notamment advenir des régions comme collectivités territoriales décentralisées aux côtés des communes.
L’unité du Cameroun est fortement menacée depuis quelques années par des mouvements séparatistes. Qu’est-ce qui peut l’expliquer ?
Des mouvements séparatistes tentent effectivement, depuis 2016, de remettre en question l’unité camerounaise par une rébellion armée contre l’Etat. La robustesse de l’appareil administratif et politique de l’Etat, ainsi que le savoir-faire professionnel des forces de défense et de sécurité du Cameroun, ont constitué de solides remparts protégeant la citadelle souveraine qu’est la République du Cameroun contre ces groupes politico-terroristes et politico-criminels. L’Etat unitaire comme forme de l’Etat a construit un solide socle territorial national. C’est en s’appuyant sur cela que le Cameroun maintient son unité en contrant les manœuvres d’éclatement initiées par les groupes sécessionnistes dits « ambazoniens ». Utilisant à bon escient ses forces de défense et de sécurité, ainsi que ses services d’intelligence pour préserver l’unité de l’Etat.
Depuis le début de ces soubresauts, plusieurs mesures ont été prises par l’exécutif en réponse à diverses exigences. Sont-elles efficaces, selon vous ?
Oui, les mesures prises par le pouvoir central camerounais pour faire face à la rébellion séparatiste dans les régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest sont efficaces. Il faut néanmoins noter que certaines de ces mesures, notamment au plan militaro-sécuritaire, prennent du temps car le sens national et la maturité gouvernantes font que les plus hautes autorités de la Nation suivant les sages instructions du chef de l’Etat et s’efforcent de doser la riposte sur ce terrain et de l’étaler dans le temps, pour en limiter les effets en termes de dommages collatéraux. L’Etat du Cameroun fait face à une situation difficile, car de nombreux partenaires du Cameroun ne jouent pas franc-jeu, hébergeant de nombreux soutiens avérés et actifs de ces groupes terroristes. Ceci, contre les règles formelles et coutumières du droit international. Malgré cela, le Cameroun continue à déployer ses mesures de désarmement / démobilisation / réinsertion, ainsi que ses mesures de reconstruction.
Certains analystes et hommes politiques proposent un retour à l’état fédéral, gage, d’après eux, d’une véritable stabilité du pays. Quel crédit accorder à cette thèse ?
La clé du conflit est d’abord identitaire et non institutionnelle. Il faut éviter de faire du fétichisme institutionnel en attribuant au fédéralisme des vertus magiques. Un avènement éventuel de l’Etat fédéral ne garantit pas l’abandon certaine et totale des revendications de souveraineté des sécessionnistes armés. Par ailleurs, la réalité montre que dans notre voisinage, il existe un Etat fédéral qui n’en est pas moins confronté à des menaces sécessionnistes. Ceux qui croient que le conflit cr&eacut...

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