« L’indépendance veut dire pouvoir choisir ses compagnons »

Pr Achille Mbembe, historien, co-organisateur du nouveau Sommet Afrique-France.

Vous êtes la cheville ouvrière du nouveau Sommet Afrique-France lancé à Montpellier en octobre 2021 et qui marque l’ouverture de cette relation aux autres composantes sociales. Qu’est-ce qui a motivé ce changement de format ?
C’est la reconnaissance du fait qu’une très grande partie de la force de notre société, de ses énergies, de sa créativité est portée par les sociétés civiles. De plus, pour formuler des politiques d’avenir, la raison commande de faire place à ces forces, à ces connaissances, à ces mémoires, à cette énergie. La France a continué de discuter avec les chefs d’Etat avant, pendant et après le Sommet. Mais la gouvernance moderne oblige que soient prises en compte les différentes composantes des sociétés (les gouvernements, les bureaucraties, mais aussi les autres acteurs non étatiques). Et c’est le chemin qu’il faut suivre à mon avis. D’ailleurs, rien n’empêche nos gouvernements de s’inspirer de cette formule de dialogue social à l’échelle internationale. 
Près d’un an après cette rencontre, avez-vous l’impression que les lignes ont bougé ?
Ah oui ! Vous l’avez vu ce soir. Concernant par exemple, la question de notre mémoire commune. C’est la première fois dans l’histoire des rapports entre l’Afrique, le Cameroun en particulier, et la France, que la question de la guerre d’indépendance est posée par un chef d’Etat français. Ça n’avait jamais été fait auparavant. Elle n’est pas seulement posée. Il y a une reconnaissance du fait qu’il y a des choses qui ont eu lieu, qui exigent des vérités apportées par les historiens. D’où la mise en place d’une commission pluridisciplinaire pour faire ce travail. Le 6 octobre prochain à Johannesburg sera lancée officiellement la fondation d’innovation pour la démocratie. Ça, c’est le résultat de Montpellier. La Maison des mondes africains est en construction. Après la phase de préfiguration qui s’est achevée, très vite on va rentrer dans la deuxième phase qui est celle de la construction de la maison. Tout le travail fait autour du campus nomade de la construction d’un collégium franco-africain. Ce travail est en cours. Les choses sont en train de bouger. Ce n’est pas juste une vue de l’esprit. Loin de là. Et les gens sont en train de se mobiliser. On a vu les jeunes qui ont participé à l’évènement de ce soir, avec des propositions concrètes, intelligentes, un engagement absolument magnifique à observer. Et donc, il y a un mouvement qui est en cours. Et on est là pour l’accompagner.
Certains sujets liés à l’histoire de la présence de la France au Cameroun font souvent l’objet de frictions dans le cadre des relations entre les deux pays. Pensez-vous que ce genre de Sommet puisse permettre de relancer le débat ?
Oui, je crois. Le président Emmanuel Macron a compris de quoi il était question. Il faut reconnaître ce qui s’est passé, afin d’ouvrir une nouvelle page, pas pour nous y complaire, mais pour nous projeter de l’avant, d’une façon neuve. C’est ce que ça veut dire. L’espoir maintenant est que le Cameroun fasse à son tour ce travail sur lui-même. Parce que ce qui s’est passé durant cette époque, nous en sommes aussi en partie responsables. Il faut donc nous poser la question de savoir ce qui nous empêche de faire ce travail. Quand est-ce qu’on va l’entamer et sous quelles conditions ?
Que gagne le Cameroun à adhérer à ce nouveau format de la relation Afrique-France ?
Le Cameroun a tout intérêt à une refondation de ses rapports afin...

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