Lucas Abaga Nchama: « J’ai, en toute responsabilité, pris les décisions qui s’imposaient »

L'ancien gouverneur de la BEAC dresse le bilan de ses sept années passées à la tête de la banque.

Monsieur le gouverneur, lorsque vous preniez les commandes de la BEAC, le 5 février 2010, votre principale mission était de restaurer la crédibilité et l’image de marque de la banque au lendemain des affaires de détournements de fonds et de placements à risques. Avez-vous le sentiment d’avoir pleinement rempli cette mission au moment où vous vous en allez ?
Je suis arrivé à la tête de la BEAC en période de turbulence et la mission qui m’avait été  confiée était de redresser  notre banque centrale ; de faire en sorte qu’elle  retrouve sa sérénité et sa crédibilité vis-à-vis de ses partenaires. De 2010 à 2016, le gouvernement de la Banque  s’est employé à atteindre cet objectif. Nous avons engagé beaucoup de réformes en exécutant la feuille de route fixée par la Conférence des chefs d’Etat à Bangui. Dans la même lignée, nous avons élaboré un plan que nous avons appelé Plan de modernisation qui a permis de renforcer progressivement le dispositif interne de contrôle de la BEAC, pour l’arrimer aux meilleures pratiques internationales ;  afin d’éviter la résurgence des dysfonctionnements, de rétablir les équilibres financiers et d’améliorer la gouvernance. Ce travail acharné nous a permis de restaurer la crédibilité de l’Institut d’Emission, de rétablir la confiance avec les partenaires et de faire la lumière sur les affaires ayant gravement entaché sa réputation.
S’agissant des détournements au Bureau Extérieur de Paris, que révèlent finalement les enquêtes ouvertes à l’époque en vue d’établir les responsabilités et d’appliquer les sanctions ?
La BEAC a déposé des plaintes qui ont conduit à l’arrestation de certaines de personnes en 2010 au Gabon et en RCA ainsi qu’à la condamnation à vie d’un ancien agent camerounais, pour ce qui est de la procédure pénale initiée au Cameroun. En ce qui concerne la situation actuelle, les différentes procédures pénales (France, Cameroun, Gabon, Congo et RCA) initiées par la BEAC sont pendantes. La BEAC en sa qualité de partie civile, les suit au mieux de la défense de ses intérêts. A cet égard, nous déplorons les lenteurs de la justice dans certains pays. Si au Cameroun, l’on a pu obtenir une décision de condamnation, les procédures stagnent dans les autres pays. Dans tous les cas, la BEAC a diligenté les actions nécessaires qui sont pendantes.
Quel est l’état de santé de la BEAC que vous laissez aujourd’hui  à votre successeur dans un contexte de crise ?
La BEAC va mieux qu’à l’entame de notre mandat. Grâce au rétablissement des équilibres financiers, nous avons pu dégager des bénéfices chaque année depuis 2010 jusqu’à atteindre un bénéfice record (165 milliards de F CFA) en 2015. Nous n’avons pas encore arrêté les comptes définitifs mais pour l’exercice 2016, la BEAC devrait enregistrer un bénéfice similaire. Ces ressources nous ont permis de renforcer nos fonds propres, de distribuer les dividendes aux Etats mais aussi, de soutenir les banques qui ont en charge le financement direct du développement économique. C’est le cas de la Banque de Développement des Etats de l’Afrique centrale (BDEAC)  où nous avons renforcé notre participation au capital qui est passé de 6 à 32%. Nous avons aussi travaillé pour porter son capital qui était de 400 milliards en 2010 à 1200 milliards. L’année dernière, grâce à nos résultats, nous lui avons octroyé 400 milliards afin de financer les projets d’investissement.
La BEAC a pris une série de mesures pour aider les Etats de la sous-région à faire face au double choc qui frappe leurs économies respectives. Mais force est de constater que la CEMAC peine à se redresser avec des projections de croissance de moins de 2 % pour 2016. Ces contre-performances ne remettent-elles pas en cause les réformes que vous avez initiées sous votre mandat ?
Je dois d’abord préciser que la crise actuelle n’est pas une crise monétaire. C’est une crise consécutive à la chute du cours des matières premières et à l’insécurité en Afrique centrale. Pour soutenir les Etats, la BEAC a mené une politique accommodante se traduisant notamment par la baisse progressive de son principal taux directeur qui, depuis 2010, est passé de 5,25 % à 2,45 % en juillet 2015 ; l’augmentation régulière des volumes de liquidités injectées dans le système bancaire ; l’élargissement de la gamme des actifs financiers admis comme collatéraux aux opérations de refinancement pour soutenir les Etats (admission des titres publics à hauteur de 15% des recettes budgétaires) ; le gel de la baisse des financements directs aux Etats au regard de la crise actuelle ; la baisse de moitié des coefficients des réserves obligatoires ; le soutien à la Banque de Développement des Etats de l’Afrique Centrale (BDEAC) chargée de financer les grands projets d’infrastructures de la CEMAC.
Ces mesures, à l’image des mesures prises par d’autres banques centrales, avaient pour but de « booster » l’économie et entraîner la croissance. Cependant, nos Etats étaient lancés dans de vastes c...

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