« C’est une loi de finances de combat »

Les éclairages de Cyrill Edou Alo’o, directeur général du Budget au ministère des Finances.

Au moment où on prépare déjà le lancement du budget de l’Etat pour l’exercice 2023, quel bilan pouvez-vous déjà faire de son exécution en 2022 ?
En matière budgétaire, il est vraiment important de savoir d’où l’on vient, ce qu’on a fait, afin de pouvoir avancer avec sérénité. En termes de bilan de l’exécution du budget 2022, il n’est pas encore possible d’avoir des chiffres exacts en ce moment, car des choses se font encore et ce n’est qu’en fin janvier 2023 que nous pourrons les consolider définitivement. Toutefois, sur le plan quantitatif, et selon les données provisoires dont nous disposons, on peut déjà dire que les recettes internes seront conformes aux prévisions, de même que les dépenses. Nos estimations tablent sur un déficit budgétaire de 1,8%, au lieu des 2% projetés dans la loi de finances. Un taux en deçà des 3% conseillé dans la zone CEMAC, signe que l’endettement a été de moindre envergure. Sur le plan qualitatif, nous pouvons déjà dire que les objectifs fixés ont été globalement atteints. En 2022, parmi les objectifs fixés par le président de la République, il y avait le maintien des prix des carburants à la pompe, cela a été fait, contre un effort budgétaire de 700 milliards de F, comme le chef de l’Etat l’a lui-même rappelé dans son important discours à la nation le 31 décembre dernier. Il était prévu d’assurer la continuité dans l’approvisionnement de nos marchés et nous n’avons pas connu de rupture dans cette chaîne, même s’il y a eu quelques tensions de temps à autre. La paix et la sécurité du territoire devaient être maintenues, c’est le cas. Le Cameroun devait participer à la coupe du monde de football, les Lions indomptables y sont allés. La gestion de la crise liée aux revendications des enseignants devait être gérée de façon minutieuse et ces enseignants ont été payés selon le calendrier préétabli. Ceux qui n’ont pas encore perçu leur dû savent exactement à quel moment ce sera fait. Nous avions également pour mission d’assurer le fonctionnement régulier des administrations et autres institutions, de veiller à l’opérationnalisation de nouvelles universités et des régions. Tout cela est une réalité à ce jour. C’est donc globalement un motif de satisfaction, car une loi de finances est faite pour contribuer à la stabilité d’un pays et au Cameroun, le gouvernement y travaille ardemment.

Pour 2023, l’Etat s’est fixé pour objectif, dans la réalisation du budget, la consolidation budgétaire et de la reprise économique, l’accélération de la transformation structurelle, entre autres. Que doit-on comprendre, de manière simple, par ces concepts que certains trouvent ronflants ? 
Ces termes ont l’air savant c’est vrai, mais les Camerounais doivent savoir que c’est le jargon lié au budget. Si on s’arrête par exemple à la consolidation budgétaire, il faut simplement comprendre que c’est l’ensemble des actions qui permettent d’augmenter les recettes propres de l’Etat, de maîtriser la dépense et de garantir un endettement économiquement viable et soutenable. Pour garantir l’augmentation des recettes propres, on retrouve ainsi dans la loi de finances des mesures fiscales soit d’élargissement de l’assiette pour que le plus grand nombre contribue au développement du pays, soit de soutien de l’activité économique, pour que les acteurs économiques qui sont au centre de la production soient capables de produire mieux afin qu’en retour, on ait la plus-value économique en termes de nouvelles recettes propres. Concernant la dépense, nous devons la maîtriser pour que pendant que nous relevons nos recettes, nous dégagions les marges budgétaires pour nous permettre de dépenser ce que nous avons produit, nous évitant ainsi de recourir à un endettement insoutenable. Et parlant de l’endettement justement, il doit également être maîtrisé, mais surtout éviter d’en créer de manière incontrôlée. Il est aussi question que les dettes que nous contractons soient économiquement, financièrement et socialement rentables. C’est-à-dire qu’il faut prendre des dettes qui permettent de produire de quoi les rembourser, et dans les meilleures conditions. D’où la préférence, ces dernières années du recours à un endettement long et au marché financier local parce que, en nous endettant en franc CFA, on court moins de risques. 

La conjoncture internationale n’est pas encore propice à la reprise que le Cameroun souhaite tant. Quels leviers comptez-vous actionner pour atteindre ces objectifs ?
Le monde a été secoué ces dernières années par de multiples crises qui ont totalement déréglé le système économique mondial. Les conséquences de la pandémie liée au Covid-19 ne sont pas encore évacuées et le conflit russo-ukrainien subsiste avec son lot de perturbations, notamment énergétiques et alimentaires. Beaucoup de partenaires économiques du Cameroun envisagent des récessions ou au moins un ralentissement de l’activité économique et cela a forcément des conséquences sur notre pays. Pour l’année prochaine, les incertitudes demeurent. Nous allons compter sur nos forces habituelles. D’abord la loi de finances qui est une loi de finances de combat où le gouvernement fixe des objectifs clairs. Nous voulons d’ailleurs nous réjouir de la justesse et de la clairvoyance des choix opérés par les autorités du Cameroun. Car il faut le dire, nous avons un gouvernement qui a la lucidité dans les prises de décisions. Il n’engage pas le Cameroun dans des décisions hasardeuses. Nous avons aussi la combativité des Camerounais dans tous les secteurs. Nous avons des compétences avérées qui nous permettent de ne pas sombrer quand nous sommes en difficulté. Il faudrait également continuer de cultiver la confiance qui règne avec la communauté des partenaires qui va continuer de nous appuyer. Ce sera aussi un axe fort parce que si cette communauté ne nous accompagne pas, certes nous pouvons continuer à progresser mais ce ne sera pas avec la même vitesse. 

Quid des actions concrètes à mener ?
Au niveau de l’action, nous allons d’abord nous atteler à rendre effectives les mesures annoncées par le président de la République dans son adresse de fin d’année. Notamment les importants projets miniers et autres infrastructures de deuxième génération dont l’opérationnalisation permettra sans aucun doute d’accélérer le croissance du Cameroun. Nous allons ensuite consolider la sécurité parce que si un Etat n’a pas de sécurité, c’est difficile d’avancer. Troisièmement, il y a l’import-substitution qui nous préserve de la dépendance économique et alimentaire. L’import-substitution avait l’année dernière 30 milliards en dépenses réelles en plus des mesures fiscalo-douanières déjà votées dans la loi de finances depuis 2019. On a ajouté de nouvelles mesures fiscalo-douanières pour asseoir davantage cette politique afin que la production locale, dans les matières où nous avons l’avantage comparatif, soit améliorée. En matière douanière, il y a des droits d’accises qui sont prélevés sur les biens tels que le tabac, le whisky, les vins, les boissons gazeuses, les eaux minérales, les glaces de consommation, la mayonnaise, etc. parce qu’on estime que nous en produisons. Et si ce n’est pas le cas, on a des substituts. Au niveau des impôts, nous avons le renforcement du dispositif de promotion des secteurs agricoles, de l’élevage et de la pêche. Actuellement nous avons le poisson, le blé, le riz, le maïs. Ce sont des biens que nous importons beaucoup mais nous avons la capacité de production. Les exploitations agricoles, de l’élevage et de pêches bénéficient, quelle que soit leur taille, des avantages fiscaux en phase d’investissements et en phase d’exploitation. Nous savons qu’en développant ces productions, nous allons asseoir l’import-substitution. 
En ce qui concerne les dépenses réelles mobilisées sous formes de crédits budgétaires, on a inscrit environ 136 milliards de F, au lieu des 30 milliards du précédent budget. Par ailleurs, il y a des projets...

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