« La solution devrait être trouvée par le dialogue »

Samuel Nguiffo, Secrétaire général du Centre pour l’environnement et le développement.

La loi de finances 2023 prévoit un relèvement du droit de sortie sur les bois transformés et en grumes. Cette décision pourrait être perçue comme une mesure de dissuasion des exportations de bois. Est-ce aussi votre avis ?
Absolument pas. D’abord parce que le droit de sortie existait déjà, à la fois sur les grumes et le bois transformé. Les griefs des entreprises du Groupement de la filière bois du Cameroun qui représente 70% des exportations de bois du Cameroun ne sont donc relatives qu’à l’augmentation, jugé trop forte, de leur taux (selon leurs calculs, jusqu’à 243% pour l’augmentation du droit de sortie sur les bois en grumes, et 165% sur les bois transformés). Pour ce qui est des bois en grumes, je crois qu’il est de notoriété publique que le gouvernement et la Cemac souhaitent l’arrêt des exportations depuis plusieurs années, et le secteur aurait dû être mieux préparé. Et la fiscalité peut être un outil efficace pour orienter les producteurs vers la transformation du bois. En ce qui concerne les bois débités, parler en pourcentage ne donne pas suffisamment d’indication pour juger de l’efficacité ou non de la mesure. Ce que l’on sait, c’est que la valeur FOB, base de calcul du droit de sortie, est parfois en deçà de la valeur du bois sur le marché à Douala, et très loin des marges réalisées à l’exportation. La solution devrait être trouvée par le dialogue entre les opérateurs et l’Etat.

A quelles conditions l’Etat peut-il créer un environnement propice au développement d’une industrie locale de transformation des essences locales ?
Nous n’avons pas d’autre choix que de promouvoir le développement d’une industrie locale de la transformation du bois. Si nous voulons que cesse ce schéma dans lequel l’Afrique restera la pourvoyeuse de ressources naturelles brutes pour le développement des économies des pays de destination, nous devons travailler le plus vite possible, pendant que le bois reste disponible, pour arriver à en faire profiter au maximum notre économie. Pour le moment, le bois est exporté sous forme de grumes, c’est-à-dire sans transformation, ou alors ne subit qu’une transformation sommaire (sciage). Les produits finis en bois ne représentent en effet qu’une infime proportion des exportations de bois du Cameroun (autour de 2%). La main d’œuvre dans le secteur est donc généralement peu qualifiée, et les salaires représentent une très faible proportion de la valeur du bois. La transformation se déroule dans les pays de destination, et on constatera que les principaux importateurs du bois en grumes en provenance du Cameroun sont des pays réputés pour la qualification élevée de leur main d’œuvre, et le niveau relativement bas des rémunérations, comparativement aux pays de destination des produits finis en bois. Ils achètent donc bon marché des grumes au Cameroun, les transforment et réexportent une partie des produits finis ainsi obtenus. Au passage, les emplois directs et indirects sont créés dans ces pays-ateliers, et les bénéfices pour l’économie y sont réalisés. Les principaux pays bénéficiaires de notre bois sont ainsi la Chine, le Vietnam et, dans une moindre mesure, la Turquie, le Portugal, le Maroc. L’Inde, pays qui correspond en tous points à ces critères de haut degré de technicité et de coûts bas de la main-d’œuvre, s’intéresse ainsi de plus en plus au bois camerounais, et on commence à voir un frémissement des exportations vers ce pays-là. Enumérer ces pays a pour unique finalité d’indiquer aux pouvoirs publics un objectif à atteindre : imposer le plus rapidement possible la transformation de notre bois (et pas seulement en bois scié, mais aller vers des produits finis « Made in Cameroon ».

Quelles stratégies pour rentabiliser la transformation locale des grumes et partant, éviter des pertes fiscales ?
Il faut dire que quelques mesures ont d’ores et déjà été prises par les pouvoirs publics, comme l’exonération totale des droits de douane sur les équipements de transformation du bois, ou la mise en place d’un dialogue entre le gouvernement et les opérateurs du secteur (même s’il faudrait inclure les PME et artisans du secteur de la transformation). L’arrêt des exportations de grumes entraînera mécaniquement une baisse des revenus tirés de la fiscalité forestière par l’Etat, et un...

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