« A menace globale, riposte globale »

Docteur-colonel Didier Badjeck, directeur de la Cameroon Consulting and Prospective.

Les accords ont été signés en 2013 entre les pays membres du Golfe de Guinée au sujet de la piraterie maritime. Comment comprendre la résurgence de ce fléau ?
Vous faites certainement référence au sommet de Yaoundé des 24 et 25 juin 2013 qui, à l’initiative du chef de l’État camerounais Paul Biya, a réuni principalement les acteurs de la CEDEAO, de la CEEAC et d’autres acteurs multinationaux. Des solutions pertinentes, susceptibles d’endiguer le fléau de la piraterie maritime ont été effectivement trouvées, au rang desquelles la création d’un mécanisme interrégional, visant à optimiser la coopération maritime dans l’ensemble du golfe de Guinée, et du mémorandum d’entente consigné dans le label de « l’architecture de Yaoundé ». Grâce à cet espace de synergie créé, des résultats probants ont été enregistrés. Le Cameroun a joué sa partition avec assiduité. Il faut intégrer en effet que les zones hauturières et côtières maritimes camerounaises ont jusque-là gardé la réputation d’être sécurisées, avec l’action conjuguée de la Marine nationale, bras séculier de l’action de l’État en mer, et le BIR-Côtes, intervenant dans leur zone de prédilection. 
La résurgence de ce fléau est analysée comme étant l’inadaptation ou l’insuffisance des moyens opposés à la piraterie qui est dynamique, adoptant de nouveaux modus operandi. Cette analyse mène alors à une conclusion tactique hâtive considérée comme réductrice, si l’on ne creuse pas les causes sous-jacentes de ce regain d’activité.  La menace est globale et ce n’est que dans un espace synergiciel que les résultats durables peuvent être obtenus. Les pics d’occurrence d’actes de piraterie maritime vont apparaître fatalement, des régions les mieux protégées, vers des zones dites grises. C’est le phénomène de la « digue crisogène » qui veut que les solutions soient globales pour être efficaces, le cas échéant, elles sont curatives pour la zone endiguée et favorisent malheureusement des contaminations dans des zones sans protection. Ceci est démontrable aussi bien pour les grands ensembles géographiques que pour des ensembles plus réduits. La lutte farouche menée contre la piraterie maritime dans le golfe d’Aden, qui bénéficie depuis 2008 d’une coopération militaire internationale avec le concept Atalante de l’Union européenne a eu pour conséquence de faire basculer le fléau du côté du golfe de Guinée. Cette hypothèse s’étaye également au Nigéria qui s’est énormément investi dans la lutte contre la piraterie.  Une posture qui a créé par effet domino, l’exode des pirates vers le Nord et le Sud du golfe de Guinée. Il faut intégrer que la piraterie prospère dans un milieu crisogène fertile, en s’affiliant aux autres activités interlopes, comme le trafic de la drogue, des objets illicites et le trafic des humains. Quand l’on identifie le phénotype des pirates, nous déduisons que les causes non négligeables de ce fléau sont liées à la paupérisation de la jeunesse côtière et le chômage. Maintenant, l’on pourrait également évoquer les faibles moyens investis par les États pour la cause, et la volonté politique qui s’est quelque peu effritée à l’usure du temps.

Vous évoquez l’insuffisance du budget et les moyens inadaptés. Cela peut-il tout expliquer ?
C’est un des problèmes qui n’explique pas cependant, toutes les avaries. Dans la foulée, nous avons identifié des causes sociologiques qui favorisent l’augmentation du volume des pirates, mais également, les insuffisances, ou l’inadéquation des moyens de lutte participant à fragiliser la sécurité maritime, ainsi et de fil à aiguille, l’inconsistance des budgets pour un tel défi est indexée. Ce n’est pas malheureusement toute la synthèse des causes pathogènes. Les pays africains sont à la tendance d’un modèle de l’État westphalien et souverainiste, au point de grever les vertus des mécanismes de sécurité collective. L’on a tôt fait de mettre tout dans le sac générique de la « volonté politique », mais il s’agit en fait d’une architecture travestie de la sécurité. Les menaces contemporaines sont globales, et vous connaissez la phrase célèbre prononcé par le président Paul Biya en 2015 : « à menace globale, riposte globale ». Nous vous citons ici en exemple, la Force multinationale mixte qui est un modèle de sécurité collective réussi en Afrique face au terrorisme, malgré des moyens limités générés par les pays de la ligne de front dans la lutte contre Boko Haram (Cameroun, Nigéria, Tchad, Niger, Benin) réunis au sein de la Multinational Join Task Force (MNJTF). Cette force multinationale a mieux réussi que le complexe sécuritaire mis en place dans le Sahel avec plus de moyens (G5 Sahel, Opération Barkhane, contingents de l’ONU). C’est aussi l’occasion de battre en brèche les attitudes sceptiques qui ne veulent pas miser sur les solutions endogènes de la sécurité collective en Afrique.  La riposte ...

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