« La conservation du régime présidentiel est le principal enjeu »

Dr Simon Pierre Omgba Mbida, diplomate et internationaliste.

64 millions de Turcs se rendent le 14 mai prochain aux urnes pour élire un nouveau président. Quel enjeu ce scrutin charrie-t-il ? 
L’année 2023 est une année cruciale en Turquie pour une double raison. Elle marque le centenaire de la fondation de la République de Turquie par Mustafa Kemal dit Atatürk en 1923 et sa célébration est l’occasion d’établir un bilan du pays dans de multiples domaines politique, économique, social et culturel ou encore international. L’année 2023 est aussi comme vous le savez une année électorale décisive avec la tenue de deux élections majeures à savoir, la présidentielle et les législatives toutes prévues le 14 mai 2023. Cette date ne doit absolument rien au hasard. Elle renvoie à la victoire en 1950 d’Adnan Menderes, icône de la droite conservatrice, lors des premières élections libres en Turquie après trois décennies de parti unique. Adnan Menderes fut le premier à gagner contre les kémalistes et à mettre fin à cette longue période de gouvernance des laïcistes comme on dit en Turquie. C'est un référentiel pour les catégories les plus conservatrices de la société turque qui est le socle du président de la République, Recep Tayyip Erdogan, qui par ce choix de date très symbolique cherche ici à envoyer un message à son électorat.  Ainsi donc, compte tenu des changements drastiques consistant à un glissement progressif d’une société libérale et laïque vers une société davantage conservatrice teintée de religiosité que l’on observe au sein de la Turquie depuis une vingtaine d’années, c’est-à-dire depuis l’arrivée au pouvoir du président candidat Recep Tayyip Erdogan ; d’abord comme Premier ministre en 2003 et ensuite comme président de la République à partir de 2014 désormais doté de très larges pouvoirs à l’issue du changement de constitution qui a transformé le régime politique du pays en régime présidentiel au détriment du régime parlementaire qui avait prévalu jusque-là. A mon humble avis, l’enjeu principal de cette élection présidentielle tient essentiellement à la conservation du régime présidentiel instauré par la réforme constitutionnelle de 2017 par le pouvoir actuel. Car, en cas de victoire, l’opposition a fait savoir qu’elle rétablirait le régime parlementaire en Turquie qu’elle considère comme étant plus démocratique en lieu et place du système présidentiel. 

De quel poids peut peser le jeu d’alliances qu’on observe à travers des coalitions des partis politiques dans cette présidentielle ?
Entre l’AKP islamo-conservateur de Recep Tayyip Erdogan et le CHP, laïc par essence, de Kemal Kiliçdaroglu, les 64 millions d’électeurs turcs choisiront entre une pratique du pouvoir de plus en plus conservatrice pour ne pas dire autoritaire et la promesse d’un virage libérale et plus démocratique clamé par l’opposition. D’après les observateurs de la classe politique turque, l’issue du scrutin, selon les sondages, est très serrée entre les quatre candidats venant de quatre coalitions politiques différentes qui concourent en 2023.  Il va sans dire qu’à l’approche du double scrutin du 14 mai, plusieurs facteurs joueront sans doute un rôle déterminant dans les choix électoraux des citoyens turcs : la situation économique et financière du pays, l’évolution de la question kurde, l’avenir du système présidentiel ou encore la position de la Turquie sur la scène internationale où le pays se déploie beaucoup. On peut également ajouter à ces éléments le contexte particulier dû aux tremblements de terre du 6 février dernier dans le sud-est de la Turquie et en Syrie, au bilan humain et matériel dramatique qui est venu aggraver les difficultés économiques d’au moins un sixième de la population et en suscitant des protestations sur la réaction jugée trop lente des autorités turques, ces séismes pourraient avoir des conséquences significatives sur le vote. Il est vrai que les performances diplomatiques des derniers mois des autorités turques peuvent constituer un atout pour le pouvoir politique en place. On observe aisément que le président Erdo?an, est engagé sur tous les fronts et est omniprésent sur la scène régionale et internationale. De ce point de vue par exemple, il existe de très bonnes relations bilatérales entre Yaoundé et Ankara. Je rappelle que Yaoundé a envoyé une aide humanitaire considérable après le terrible séisme du 6 février dernier à travers un ch&...

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