Ô ma mère !

Au moment d’écrire ces quelques lignes en guise d’hommage, au lendemain de la fête des mères, mes doigts tremblent. D’émotion, il est vrai. Car je me rends compte que je n’ai jamais pensé à le faire. Ou du moins à mettre des mots sur les émotions que je ressens en pensant à celle qui m’a mise au monde. Chez nous les Africains, et particulièrement dans ma famille, nous sommes pudiques. On n’étale pas ses sentiments aux yeux des autres. Entre nous, il y a donc ce silence. Pourquoi d’ailleurs étaler mes sentiments pour toi ? Tu es là. Tu es ma mère. Tout ce que tu fais va de soi parce que c’est ton rôle. « L’amour maternel, nous savons ce que c’est. Pour nous, c’est quelque chose de naturel, de normal. On en jouit, on en profite, on en abuse souvent, mais sans trop s’en soucier », a si justement résumé l’écrivain François Cheng.
Il m’aura fallu bien du temps pour comprendre que ce rôle de maman que tu joues depuis si longtemps pour moi allait bien au-delà de la simple « obligation morale » pour m’avoir mise au monde. Car si la société a érigé en devoir le dévouement maternel à sa progéniture, les faits de société ainsi que quelques actualités récentes ont mis en avant des mamans qui se contentent de porter un nouvel être dans leur ventre et passent à autre chose aussitôt l’enfant sorti de leurs entrailles. 
Dans un fait divers, l’une d’entre elles a par exemple refusé d’emmener son enfant à l’hôpital avec l’argent de la ration alimentaire, causant son décès. Il y a aussi ces autres qui n’hésitent pas à abandonner des nouveau-nés dans une fosse ou aux ordures comme de vulgaires déchets. Sans oublier celles dont la cruauté envers leur progéniture débouche parfois sur le pire et interroge sur leur statut de femme. Une femme, c’est a priori la douceur, la tendresse, l’amour. A priori. Oui, tu aurais pu te comporter comme celles-là qui ne méritent pas le titre de mère. Elles qui ne font que le minimum que leur a imposé la biologie et le hasard d’une semence laissée qui a produit la vie. Tu aurais pu. Mais tu ne l’as jamais fait.
Au contraire. Pour moi, tu as été une présence de tous les instants. Un guide sur ce chemin ô combien tortueux que représente la vie. Je ne me suis jamais demandée comment toi, « simple » infirmière, faisais pour qu’on ait chaque jour à manger dans notre assiette. Je n’ai jamais cherché à comprendre comment tu arrivais toujours à m’offrir ces bandes dessinées et ces magazines que j’aimais tant lire chaque mois et qui ont éveillé mon esprit pour me conduire où je suis. Je ne me suis jamais demandée où était ce papa absent, tellement tu remplissais tous les rôles. Tout cela me semblait dû et je n’ai jamais manqué de rien. Tout n’a certes pas été rose dans notre relation et les conflits, les engueulades. Les incompréhensions n’ont pas manqué. Mais tu as donné ce que tu pensais être le meilleur pour moi et c’est ça le rôle d’une maman : se donner corps et âme pour élever ces enfants avec tous les moyens et outils à sa disposition. Il n’est nullement question ici de mettre la mère en opposition, ni nos sentiments en balance avec le père qui tient un rôle tout aussi primordial dans la vie d’un enfant. Acceptons et reconnaissons toutefois, sans que cela ne soit une vérité absolue, qu’il y a toujours comme un truc spécial chez nos génitrices. 
Aujourd’hui, devenue à mon tour mère, je comprends toutefois tous les sacrifices consentis pour moi. Les regards que tu as dû subir. Les moqueries, les humiliations et les quolibets. Les nuits entières à veiller sur un enfant malade. Mon poids sur ton dos quand je me plaignais d’être fatiguée d’avoir marché quelques mètres en sortant de l’école. Ta vie de femme mise de côté pour m’offrir le meilleur que tu pouvais et que je ne trouvais jamais assez. Tu t’es toujours mise beaucoup de pression pour être là, pour toujours être à la hauteur, d’être la plus forte, d’être la femme qui ne pleure jamais, d’être la maman parfaite. Tu ne m’as jamais dit « je t’aime » mais je l’ai ressenti à chacun de tes gestes, de tes regards, de tes intonations, de tes actions et même dans tes réprimandes et ces « imbéciles » que tu continues d’ailleurs de lancer jusqu’à présent.  Malgré le poids de l’âge, tu continues de répéter que tes enfants, et surtout petits-enfants, sont ta raison de tenir encore. « Les enfants sont les ancres qui donnent de la saveur à la vie, et de la force aux mères », disait le philosophe grec Sophocle. 
Cet hommage, je le rends à la mère capable de créer la vie et d’endurer les douleurs de l’enfantement. Douleurs qui d...

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