« La structuration de l’emprunt obligataire du Cameroun est innovante »

Georges Abessolo Meka, expert financier.

Le Cameroun devait réaliser un emprunt obligataire au cours de ce mois de mai. L’opération a été reportée pour plusieurs raisons. Comment peut-on analyser cette situation ?
Le lancement de l’emprunt obligataire de mai 2023 de 200 milliards de F a été reporté à cause de la situation économique actuelle et des taux d’intérêts élevés pratiqués dans le marché Cemac. L’économie, comme la finance, évolue par cycles d’expansion et de ralentissement. Nous sommes entrés en 2023 dans un cycle de ralentissement économique, perceptible par la hausse de l’inflation de 6,3% au Cameroun et du crédit directeur de la BEAC de 4,5%. Ce constat de fait a entraîné la hausse du coût du crédit pour les emprunts des entreprises et des états Cemac. Leader des emprunts obligataires en zone Cemac ayant pris l’option depuis 13 ans d’emprunter à des taux d’intérêt variant entre 5,25% et 6,25% et de rembourser à temps et sans défaut de paiement un volume d’emprunt de 3000 milliards de F, le Cameroun a rejeté les offres des souscripteurs aux taux d’intérêts supérieurs à 7%. Ce qui a entraîné de facto un report du lancement de l’emprunt obligataire de mai 2023 à juin 2023 et une réduction dudit emprunt de 50 milliards de F.

Les conditions contraignantes du marché, notamment l’inflation, les taux d’intérêt élevés proposés par d’autres pays de la sous-région sont évoquées. Comment les contourner ?
Effectivement, vue la situation économique actuelle décrite précédemment et la concurrence inter-Etats Cemac pour la mobilisation des capitaux, la demande des capitaux étant plus élevée que l’offre a entraîné la pratique des taux d’intérêt élevés par les SVT allant de 6,75% à 8% appliqués aux Etats. Nous sommes dans un marché de l’offre et de la demande qui a des règles à respecter et non à contourner. Cependant, des solutions peuvent être mises en œuvre pour élargir l’offre du marché des capitaux en zone Cemac. La structuration de l’emprunt obligataire de 150 milliards de F à taux d’intérêts différents et à multiples maturités que le Cameroun s’apprête à lancer en juin 2023, est à la fois innovante et une solution pour réduire les coûts d’emprunt. C’est le premier type d’emprunt obligataire dans la zone Cemac. En effet, sur les 150 milliards de F à émettre, 80 milliards de F seront émis au taux d’intérêt de 6,75% sur une maturité de 6 ans. 50 milliards de F seront émis au taux d’intérêt de 6,0% sur une maturité de 4 ans et 20 milliards de F seront émis au taux d’intérêt de 7,25% sur une maturité de 8 ans. Cette formule permet au Cameroun de mobiliser 150 milliards de F à un taux d’intérêt moyen de 6,66%, maintenant ainsi sa stratégie d’emprunt à taux faible. Dans le contexte économique et des conditions du marché présent, plusieurs états de la Cemac vont suivre ce modèle. Je peux aussi proposer comme solution, à court terme, l’engagement de la BEAC et des Etats d’élargir via le Mobile Money le mode de souscription de ces emprunts obligataires à coupon de 10 000 F, facilitant la contribution des individus, ménages et de la diaspora à y souscrire via les plateformes digitales des intermédiaires.

Pour contourner ces contraintes, le Cameroun projette d’effectuer plusieurs émissions à des taux d’intérêt différents. Cette solution vous semble-t-elle pertinente ?
C’est une solution pertinente dans le contexte économique actuel et des conditions prévalentes sur le marché des capitaux en zone Cemac. Toutefois, il faudra élargir les sources de financement et de participation effective au marché des capitaux aux individus, à la diaspora et aux entrep...

Reactions

Commentaires

    List is empty.

Laissez un Commentaire

De la meme catégorie