Conflits intercommunautaires : attention à la ligne rouge

Quatre jours seulement après la célébration avec faste et ferveur du 51e anniversaire de l’Etat unitaire, où les idéaux de l’unité, du vivre-ensemble et de la paix ont été abondamment martelés, vantés et parfois psalmodiés, les marqueurs qui font de notre pays une véritable « Afrique en miniature » ont failli être ébranlés. La ville de Sangmélima, chef-lieu du département du Dja-et-Lobo dans la région du Sud a vécu en effet une journée de vives tensions le 24 mai dernier. La mort d'un jeune commerçant a failli embraser les relations entre sa communauté et les résidents originaires de l'ouest du pays vivant dans cette belle cité cosmopolite de la forêt équatoriale. Une horde de jeunes gens se présentant comme étant les proches et amis du jeune vendeur à la sauvette s’en sont pris, avec des armes blanches, aux commerces des Bamoun dont l’un des membres est soupçonné d’être à l’origine du décès du jeune Bulu. Il a fallu l’intervention et la tenue des réunions de conciliation animées par les autorités administratives appuyées par certains membres de l’élite de ce département pour calmer les esprits. Ces confrontations interviennent moins d’une semaine après les échauffourées qui ont opposé le 18 mai 2023 dans un village minier près de Batouri, dans le département de la Kadey, les communautés Kako, Tupuri et Massa. Point nodal de ce conflit qui a failli embraser la zone, l’accusation de vol dans un trou minier, portée sur un membre de l’ethnie Kako par un agent de sécurité originaire du septentrion. Suffisant pour que certains ressortissants du Grand Nord et les populations dites autochtones se lancent dans une bataille rangée causant 22 blessés dont trois grièvement. C’est grâce à l’intervention du préfet de la Kadey que les uns et les autres ont accepté de « déposer les armes » et reprendre toute vie normale.
 Des rixes similaires ayant entraîné la destruction des commerces et des biens ont eu lieu en février dernier à Magba dans le département du Noun, région de l’Ouest entre les communautés Bamoun et Tikar lors de la tournée du sultan des Bamoun dans cette localité. Mais les affrontements les plus meurtriers sont ceux survenus en décembre 2021 dans le département du Logone et Chari dans la région de l’Extrême-Nord entre Musgums et Arabes choas et ayant laissé sur le carreau une trentaine de morts et une centaine de blessés. Ces énièmes confrontations interethniques ont contraint des milliers de personnes à quitter leur foyer pour se mettre à l’abri dans le département du Diamaré et au Tchad voisin. 
Comme on le voit, cette série de violences qui opposent des communautés vivant sur un même espace constitue une menace sérieuse au vivre ensemble et à la cohabitation pacifique en mettant ainsi à mal les ressorts de notre unité si chèrement acquise. Ces tristes évènements débouchent sur des conséquences sociales fâcheuses avec de nombreuses pertes en vies humaines et la destruction des commerces et d’autres propriétés privées. Leur résurgence et leur récurrence rappellent l’ensauvagement progressif de notre société, la faiblesse de la culture de la citoyenneté, de la tolérance et la montée en puissance des discours de la haine distillés dans le corps social à travers plusieurs canaux par divers acteurs. Ces conflits sociaux ne sont pas nouveaux, mais les externalités négatives de l’Internet et des réseaux sociaux ont formé de véritables « meutes cybernétiques » qui rivalisent d’ingéniosité dans la production du discours de la haine et du repli identitaire. Les médias classiques ne sont pas en reste. Les plateaux de télévision et les studios de radio sont devenus de véritables arènes où certains panélistes, au mépris des principes républicains, excellent avec un certain enthousiasme dans la propagation des propos haineux et l’exacerbation du tribalisme. Ces instigateurs se recrutent dans toutes les strates de la société. On les retrouve parmi les hommes politiques, les hommes de médias, les universitaires et les leaders d’opinion. Pourtant ces profils sont considérés comme les éclaireurs de la société.
Qu’on se comprenne bien. La loi fondamentale stipule en son préambule que « l’Etat assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones conformément à la loi ». Mais cette même loi ajoute que « Tout homme a le droit de se fixer en tout lieu et de se déplacer librement, sous réserve des prescriptions légales relatives à l’ordre, à la sécurité et à la tranquillité publics ». Les notions d’« autochtonie » et d’ « allogéni...

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