« Les dépenses dans ces secteurs contribuent à la croissance du PIB »

Dr. Patrice Ongono, économiste.

Plusieurs secteurs sont identifiés au Cameroun comme étant de véritables leviers pour l’économie. En quoi celui des bâtiments et travaux publics peut-il en être un ?
Les activités que l’on recense dans le secteur des bâtiments et travaux publics (BTP) regroupent à la fois la conception, la construction, la rénovation et l’entretien des bâtiments (résidentiels pour usage d’habitation et non résidentiels pour usage industriel, commercial ou de service public) et des infrastructures (routes, ouvrages d’art, barrages, stades, canalisations, irrigations, ports, aéroports, chemin de fer, aménagement hydraulique, fibre optique, etc.). Les dépenses que les ménages, les entreprises et l’Etat consacrent à la construction des bâtiments et des infrastructures contribuent directement à la croissance du Produit intérieur brut (PIB). Au troisième trimestre 2022, les statistiques de l’INS révèlent que le secteur des BTP a généré une valeur ajoutée de 411,3 milliards de F, représentait 30% de la valeur ajoutée créée dans le secteur secondaire et 6,8% du PIB. Ces pourcentages étaient en hausse par rapport à celles du premier trimestre de la même année où ils étaient de 25% et 5,5% respectivement avec une valeur ajoutée de 305,8 milliards de F. 
En plus de cette contribution directe au PIB, les équipements construits dans le secteur des BTP exercent des effets d’entraînement sur les activités des autres secteurs de l’économie parce qu’ils améliorent significativement la productivité des travailleurs et le rendement des investissements privés. 
Les travailleurs les plus productifs sont ceux qui sont en bonne santé, éduqués et ouverts sur le monde grâce à l’usage des technologies de l’information et de la communication (TIC). La construction d’une route contribue à réduire la distance qui sépare l’élève de son école, le malade du centre de santé, et l’employé de son lieu de travail. La construction d’un barrage hydroélectrique rend possible l’usage des TIC, accroit le temps que les élèves consacrent à la révision de leurs leçons, améliore la conservation des médicaments et des vaccins, et permet l’usage des équipements sanitaires modernes. Ainsi, en améliorant le niveau d’éducation et l’état de santé globale de la population, les infrastructures sont un important facteur de croissance de la productivité des travailleurs et par conséquent améliorent la production des biens et des services de tous les secteurs de l’économie.
Les activités du secteur des BTP améliorent aussi le rendement du capital privé parce les infrastructures réduisent significativement les coûts de production des entreprises. En permettant d’accroitre l’offre d’énergie électrique, la construction des barrages réduit les dépenses que les entreprises privées consacrent à l’achat des groupes électrogènes et du carburant. En facilitant la connexion entre les producteurs, les fournisseurs et les clients, la construction des infrastructures de télécommunications accélère la vitesse de production des biens et des services et réduit les pertes de temps. En réduisant le temps et le coût que le producteur ou le commerçant doit supporter pour transporter les marchandises et les matières premières pour les acheminer vers les bassins de production et les marchés de distribution, la construction et l’entretien des infrastructures de transport améliorent la rentabilité des entreprises privées.
Qu’ils soient à usage d’habitation ou à usage industriel et commercial, la construction des bâtiments a des effets positifs sur l’emploi et le développement du secteur industriel. Le secteur du BTP offre des emplois à la fois aux architectes, aux ingénieurs et de nombreux techniciens (maçons, plombiers, électriciens, menuisiers, charpentiers, soudeurs, vitriers, etc.). Le dynamisme du secteur des BTP favorise l’industrialisation parce qu’il permet le développement des industries de production des matériaux de construction (ciment, fer à béton, tôles, matériel de plomberie, etc.). 

L’Etat a entrepris depuis des années, la réalisation de nombreux projets dans ce domaine spécifique. Comment ces différentes initiatives impactent-elles la croissance économique ? 
J’imagine que vous voulez parler des grands projets structurants retenus dans la première phase de mise en œuvre de la Vision 2035 déclinée dans le Document de la stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE). Pour comprendre comment ces projets impactent la croissance économique il faut d’abord relever que l’économie est divisée en trois grands secteurs : le secteur primaire (agriculture, élevage, pêche, exploitation forestière) ; le secteur secondaire (industries, électricité, eau et assainissement, BTP), et ; le secteur tertiaire (commerce, transport, information et communication, hébergement et restauration, services financiers, administrations publiques, etc.). Les projets structurants ont eu un impact sur la croissance économique par ce qu’ils ont permis d’augmenter la production des biens et des services dans chacun de ces secteurs. 
La construction des routes et des autres infrastructures de transport a favorisé l’écoulement de la production agricole des grands bassins de production, généralement implantés en zone rurale, vers les grands marchés urbains de commercialisation, renforçant dans le même temps la contribution du secteur des transports aux PIB. La construction des barrages et des équipements de production de l’énergie électrique (Memve’ele, Lom Pangar, Centrale à gaz de Kribi) a non seulement permis aux industries de fonctionner à plein régime, mais aussi, aux administrations publiques d’accroitre l’offre des services publics aux usagers. La construction de stades a permis d’attirer plus de sponsors et de spectateurs dans les compétitions sportives et les championnats nationaux. De plus, l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations qui a été rendue possible par la construction des infrastructures sportives a donné un souffle nouveau au sous-secteur de l’hébergement et de la restauration.

Selon l’Institut national de la Statistique, après quatre années successives de croissance, le secteur secondaire a affiché une baisse de performance au premier trimestre 2022, du fait de l’essoufflement des activités liées aux bâtiments et travaux publics. Qu’est-ce qui peut expliquer cela ?
En premier lieu, l’achèvement de certains grands projets initiés par le gouvernement au début de la mise en œuvre du DSCE ne peut qu’induire une contraction du secteur des BTP. En second lieu, les chocs exogènes, notamment les tensions sécuritaires dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest et les mesures de confinement imposées par la pandémie de Covid-19 ont contraint le ralentissement dans l’exécution de certains travaux publics et réduit la demande des constructions émanent du secteur public. En troisième lieu enfin, l’augmentation du coût des matériaux de construction consécutive aux mesures de confinement, a réduit le niveau d’activité dans le segment de la construction des logements à usage d’habitat...

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