« Il faut susciter des investissements sérieux dans le secteur minier »

AOUDA, expert des questions ferroviaires, président de l’entreprise BEACOP.

Le président de la République a récemment promulgué la loi régissant le secteur ferroviaire au Cameroun. Que peut-elle apporter dans la modernisation de ce segment ?
Le Cameroun a décidé de règlementer et normaliser le secteur ferroviaire. Ce secteur avait besoin d’une reconnaissance professionnelle eu égard aux projets miniers imminents dont l’exploitation effective va nécessiter à coup sûr une expansion du réseau ferroviaire au Cameroun. Une loi qui doit régir ce secteur était donc indispensable pour une meilleure réglementation et régulation des activités dans le secteur. Cette loi permet une répartition claire des rôles et des responsabilités au niveau des intervenants dans le secteur ferroviaire avec l’entrée en scène de la société du patrimoine et de l’autorité de régulation. En effet, nous avons assisté jusque-là à une concession où le concessionnaire semblait être juge et partie. L’audit de la concession ferroviaire commandé par l’Etat du Cameroun en 2017 avait relevé certains disfonctionnements, parmi lesquels la non-réalisation d’audit technique depuis l’avènement de la concession en 1999 jusqu’à ce jour, alors qu’il devrait être effectué tous les deux ans. Cette nouvelle permet également la libéralisation de l’exploitation ferroviaire et surtout ouvre clairement la possibilité d’interconnexion et des accords internationaux dans la sous-région.
On peut aussi indiquer qu’avec cette loi, il y a une reconnaissance officielle de la profession ferroviaire au Cameroun avec tous les métiers y afférents. Cette reconnaissance participera à la vulgarisation du métier ferroviaire qui est resté comme un mythe pour le citoyen camerounais moyen. En revanche, ce qui reste préoccupant est la gestion de la convention de concession actuelle en cours jusqu’en 2034 dans l’application de cette loi qui est fermée sur le plan de concession en son article 57, qui consacre exclusivement la concession à la société de patrimoine. 

Le Cameroun a adopté depuis plusieurs années un Plan directeur ferroviaire national qui peine à être effectif. Qu’est-ce qui pose problème selon vous ?
Pour rappel, le Plan directeur ferroviaire national du Cameroun qui avait été adopté en 2012 prévoyait sur la période allant de 2012 à 2020, la construction à court, moyen et long termes, d’un réseau de transport performant selon les standards modernes : un rail de 50 kg avec un écartement de 1.435 millimètres, destiné à améliorer et à moderniser l’offre de transport ferroviaire national (desservir les zones industrielles et interconnecter les villes) d’une part, et l’interconnexion aux réseaux des pays voisins (Tchad, RCA, RDC, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Nigéria, voire Angola) d’autre part. Dans la première phase du plan ferroviaire, il s’agissait de mettre sur pied les itinéraires Edéa- Kribi (136 km) ; Mbalam-Kribi (602,6 km) ; Douala-Limbe (73,5 Km) et Ngaoundéré-Douala (907,5 km). Dans ce plan directeur ferroviaire, le tracé qui relierait Mbalam à Kribi permettait également de desservir les villes comme Mintom, Mbalmayo, Djoum et Sangmelima, pour certainement des raisons politiques, mais contribuait à augmenter les coûts de construction.  Les financements escomptés étaient essentiellement fondés sur le partenariat public-privé, puisque le BOT (Build Operate Transfer) est une sorte de PPP, aussi longtemps qu’un investisseur sérieux ne se présente, il sera difficile pour l’État camerounais de supporter les coûts de construction d’une infrastructure d’une telle envergure. Ce Plan directeur reposait essentiellement sur les projets miniers (pour les tronçons Mbalam-Kribi et Douala-Ngaoundéré) qui étaient latents et qui n’ont toujours pas démarré à ce jour. On ne peut normalement envisager la construction de ces tronçons qu’avec l’effectivité de l’exploitation des gisements de fer de Mbalam et de la bauxite dans les environs de Ngaoundal. Il est aussi important de relever qu’il sera difficile de trouver un investisseur qui accepterait de financer un itinéraire décrit plus haut parce qu’il participe à un délai de retour sur investissement trop long et plomberait in fine la rentabilité du projet. 
Il aurait été bon d’envisager dans un premier temps, la construction d’une voie à écartement métrique pour la connecter au réseau actuel, en prévoyant une plateforme pour la double voie future. La même problématique se pose pour le tronçon Douala-Limbe.

On note que le segment dédié au transport des personnes est négligé alors que la demande est de plus en plus forte. Qu’est-ce qui peut expliquer cela ?
Contrairement à ce que pense le voyageur normal, l’activité du transport voyageurs n’a jamais été et ne sera jamais négligé. Je peux vous le certifier à la suite de ...

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