« Ce secteur joue un rôle appréciable d’ajustement en termes d’emploi »

Dr Réné Yatcho Nyaben, économiste.

L’activité des petits métiers a gagné en intensité, notamment avec la crise sanitaire du Covid 19, absorbant une partie des jeunes sans emplis formel. Comment appréciez-vous l’émergence de ce phénomène ? 
Depuis la crise du Covid-19, l’on observe effectivement une recrudescence de l’activité de débrouillardise ou plutôt du secteur informel. Mais au-delà de cette pandémie d’autres facteurs d’accentuation peuvent être énoncés. Il s’agit, entre autres, des remous sécuritaires dans le Nord-Ouest, le Sud-Ouest et le septentrion, de l’urbanisation rapide mais désordonnée des zones rurales, de la fin de l’Etat-providence, du faible développement du tissu industriel national, de l’inadéquation formation/emploi et, bien sûr, des difficultés à se départir d’une organisation économique calquée sur les objectifs de l’ancienne métropole coloniale. Le problème est donc ancien et remonte, si l’on évacue les questions historiques des tutelles dominatrices européennes, aux premiers soubresauts de la crise économique en 1980 et aux ajustements qui en ont résulté sous la férule du FMI autour de la décennie 90. En réalité, l’émergence du secteur informel est la résultante d’un manque d’articulation entre les différents secteurs économiques. Ce défaut de transversalité crée des zones vides que s’empressent de combler, et à leur manière, tous les acteurs ruraux et urbains qui n’arrivent pas s’intégrer dans le système économique classique. Le phénomène est donc une réponse aux déséquilibres qui causent des distorsions sur les différents marchés du travail. C’est un moyen pour les jeunes diplômés et les déclassés scolaires ou académiques d’entrer dans le circuit économique au travers des divers métiers qu’ils créent. A l’évidence, par leur engagement, ces acteurs limitent les tensions sociales qui surviennent chaque fois que des désarticulations économiques empêchent l’insertion d’au moins 40 % des populations en âge de travailler. 


Comment peut-on faire en sorte que ces métiers contribuent à la lutte contre le chômage ?
De manière générale, les unités de production informelles sont caractérisées par une faible productivité du travail, la précarité de la gestion et des modes de production. Il s’ensuit de faibles rendements économiques et des revenus particulièrement bas. Certes, certaines de ces unités dégagent des marges perceptibles. Mais dans l’ensemble la situation est assez contractée. Pourtant le rôle d’ajustement que joue ce secteur en termes d’emploi est appréciable si l’on s’en tient aux données de l’Institut national de la statistique selon lesquelles près de 90% des emplois sont informels au Cameroun. A ce titre, ce secteur étant, malgré sa fragilité, la seule voie de sortie du chômage, sa consolidation est donc plus qu’impérative si l’on veut en faire un levier d’équilibre du marché du travail. Au moins cinq mesures peuvent être prises dans ce sens. La première,d’essence politico-économique, consiste à transformer le modèle informel en présence afin de le transformer en un vivier d’entrepreneurs par opportunité. Cette transformation est capitale car, la plupart des acteurs du secteur informel sont des entrepreneurs par nécessité, c’est-à-dire des agents qui s’activent en attendant mieux et qui agissent juste pour survivre. L’approche développée dans ce cas devrait donner la priorité à l’accès au financement, à la redéfinition des modes de gestion et à la promotion des stratégies d’insertion profonde dans le marché. La deuxième mesure porte sur l’action de l’Etat qui doit soutenir les entrepreneurs informels par des politiques de renforcement de leur capital humain. Sur ce plan, la régionalisation (décentralisation) en cours peut servir de prétexte pour des initiatives de proximité. La troisième, de caractère fiscal, devrait davantage alléger le système d’imposition afin de favoriser la pérennité des activités menées et leur migration vers le secteur formel. La quatrième, tournée sur le marché du travail, pourrait prendre en considération les différents segments du secteur informel afin de donner un soutien actif à ceux qui, se trouvant dans le palier supérieur, sont à même d’évoluer et prévoir des filets sociaux à ceux du pallier inférieur dont les possibilités de transmutation sont particulièrement difficiles. 

Les gains tirés de ces activités se caractérisent par leur caractère fluctuant, insignifiant et incertain. Quelles solutions peut-on mettre en place pour permettre que ces revenus soient à la fois consistants et pérennes ?
Les activités du secteur informel se caractérisent, en effet, par la faiblesse et l’irrégularité des rémunérations. Ces rémunérations ne cadrent p...

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