« L’Ethiopie est déterminée et ne reculera devant rien »

Simon Pierre Omgba Mbida, ministre plénipotentiaire et internationaliste.

L’Ethiopie a annoncé le 10 septembre dernier la fin du remplissage du barrage de la Renaissance. Quel peut-être l’impact d’une telle décision dans sa relation avec l’Egypte et le Soudan et dans la suite des pourparlers déjà suspendus depuis 2021 avec ses deux voisins sur ce méga projet ?
En effet, l’annonce de la fin du remplissage du Grand barrage de la Renaissance (Gerd) sur le Nil, présenté comme le plus grand d'Afrique a ravivé les tensions avec l'Égypte, qui a condamné une opération qu’elle a qualifiée d’unilatérale et illégale. Ces dernières années, Khartoum et Le Caire, qui voient le barrage comme une menace pour leur approvisionnement en eau, ont à plusieurs reprises demandé à l'Éthiopie de cesser le remplissage du réservoir de ce barrage en attendant un accord tripartite sur ses modalités de fonctionnement. Cette gigantesque infrastructure est jugée vitale par Addis-Abeba, le Gerd a coûté 4,2 milliards de dollars.  Elle est au cœur d'un conflit régional depuis que l'Éthiopie a commencé sa construction en 2011. L'Éthiopie assure de son côté que son mégabarrage, situé dans le nord-ouest du pays, à une trentaine de kilomètres de la frontière avec le Soudan, ne perturbera pas le débit du fleuve. Pour l'Égypte, ce mégabarrage est considéré comme une menace existentielle pour le pays, car elle dépend du Nil pour 97 % de ses besoins en eau. La position de Khartoum a varié ces dernières années. Après plusieurs mois de front commun avec l'Égypte en 2022, le dirigeant soudanais, le général Abdel Fattah al-Burhane s'était dit en janvier dernier « d'accord sur tous les point » avec le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed à propos du GERD. Mais, il faut dire que le Soudan est ravagé depuis mi-avril par un conflit meurtrier et donc affaibli.
D’un autre côté, l’Egypte est victime de ses propres turpitudes. C’est l’instabilité politique qui a prévalu dans ce pays et le flottement institutionnelle qui s’en est suivi en 2011 dans le cadre de ce qui a été appelé printemps arabe et qui a permis à l’Ethiopie de profiter de ce vide politique en lançant directement les travaux du barrage sans complexe et sans aucun scrupule pendant que l’Egypte avait d’autres préoccupations. La construction du grand barrage est un vieux projet que l’Ethiopie nourrissait et caressait depuis très longtemps et qu’elle n’arrivait tout simplement pas à réaliser à cause du veto de l’Egypte et des menaces militaires sérieuses qu’elle faisait peser sur ce pays de la Corne de l’Afrique si des fois il s’engageait dans cette aventure. Depuis lors, beaucoup de choses ont évolué. Aujourd’hui l’Ethiopie est devenue une puissance militaire non négligeable et un géant économique dans la région. Du coup, l’Egypte ne peut plus se permettre d’utiliser les mêmes méthodes et autres menaces pour la contraindre et la soumettre à sa volonté, malgré ses droits sur le Nil. 

Comment entrevoyez-vous le dénouement de cette crise de longue date ? 
Le deuxième cycle de négociations tripartites entre l’Éthiopie, l’Égypte et le Soudan concernant l’exploitation annuelle du Grand barrage éthiopien de la Renaissance (Gerd) a repris le 24 septembre 2023, à Addis-Abeba.  L’Éthiopie s’est engagée à trouver une solution négociée et à l’amiable dans le cadre du processus trilatéral en cours. Il faut cependant relever que l’Ethiopie a rencontré beaucoup de défis, elle a souvent été poussée à faire marche arrière. Notamment, par les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux encouragés par l’Egypte qui lui ont refusé les crédits nécessaires pour la construction de ce barrage. Mais ils y sont arrivés. Ce pays a également connu un défi interne et des pressions extérieures. Je crois que l’Ethiopie est déterminée et ne reculera devant rien pour faire fonctionner à plein régime son barrage comme elle l’a prévu. Peu avant la reprise des négociations au Caire le 27 août dernier, en mi-juillet, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi et Abiy Ahmed s'étaient donné quatre mois pour parvenir à un accord sur le remplissage et l'exploitation du barrage tenant compte des intérêts et des préoccupations des trois pays, lors d'une rencontre en marge d'un sommet de dirigeants africains sur la guerre au Soudan.

Qu’est-ce qui peut encore être fait non seulement pour préserver les relations de bon voisinage entre ces trois pays, mais surtout &eac...

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