Interview : « Cette inscription apporte une visibilité internationale au Nguon »

Le ministre des Arts et de la Culture, Bidoung Mkpatt, explique.

 


Monsieur le ministre, vous venez de prendre part à la 18e session du Comité intergouvernemental de la Convention 2003 de l’Unesco. Une session marquée notamment par l’inscription du tout premier élément du Cameroun sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Vous avez été la cheville ouvrière de l’aboutissement de ce processus. Etes-vous un ministre satisfait ?
Je vous remercie de l’intérêt que votre organe de presse accorde à cet important évènement qui somme toute est historique pour notre pays. Je voudrais tout d’abord rendre un vibrant hommage au chef de l’Etat, SE Paul Biya, pour son entregent, la sollicitude et tout l’accompagnement dont nous avons été l’objet tout au long de ce processus et surtout pour son haut accord qui a permis à la délégation camerounaise de prendre une part active à cette 18e session, qui a vu la consécration du Nguon comme le premier élément du Cameroun sur cette liste tant convoitée du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Et c’est l’occasion ici pour nous, le peuple camerounais, d’exprimer, au nom du président de la République notre extrême gratitude à l’Unesco pour cette reconnaissance universelle. Cet important pas franchi ouvre ainsi une nouvelle page pour le rayonnement de la culture camerounaise à l’international.  Et naturellement, l’ouvrier que je suis ne peut qu’être satisfait de cet aboutissement heureux.
 

Le processus était-il aisé ?
C’est un processus éminemment long, interactif et participatif pour lequel il était demandé au Cameroun, comme à tous les États parties soumissionnaires, de démontrer que le Nguon, élément proposé pour l’inscription sur la liste représentative répond à cinq critères bien définis. C’est un travail exhaustif et de longue patience qui a mobilisé les experts internationaux, nationaux, locaux ainsi que la communauté détentrice de l’élément. La dynamique conduite par le ministère des Arts et de la Culture avec la pleine participation et le consentement libre, préalable et éclairé de la communauté, des détenteurs et praticiens du Nguon, s’est construite autour des consultations, des rencontres en ligne et présentiel, des dialogues et des renforcements des capacités sur cet instrument international qu’est la Convention de 2003, ratifiée par le Cameroun le 16 octobre 2012.

C’est le lieu de saluer le soutien technique apporté par le Bureau régional de l’Unesco en Afrique centrale. C’est aussi l’occasion pour nous ici de rendre un vibrant hommage et d’apprécier la forte implication de la communauté Bamoun et de son chef, le Sultan Mforifoum Mbombo Njoya Mouhamad-Nabil dont la participation et la contribution à la documentation, aux informations et aux éléments pertinents requis pour remplir l’ensemble des critères a été décisive pour la formulation finale et le dépôt dudit dossier. Le processus d’analyse et d’évaluation du dossier en lui-même a pris deux ans et nous nous réjouissons de l’inscription de ce premier élément au bout de cette patience et du travail fourni par toutes les parties prenantes.

L’inscription du Nguon dans cette prestigieuse liste de l’Unesco, bien qu’étant une consécration, n’est pas une fin en soi, encore faut-il en assurer, le maintien. Qu’est-ce-que le Cameroun envisage déjà dans ce sens ?
La reconnaissance universelle du Nguon comme patrimoine de l’humanité n’est effectivement pas une fin en soi. Au-delà de la reconnaissance, l’inscription est l’expression d’un engagement commun de l’Etat du Cameroun et de la communauté Bamoun à assurer la sauvegarde durable de l’élément, c’est-à-dire la pratique et la transmission de ce patrimoine aux générations présentes et futures. Cela répond d’ailleurs au troisième critère d’évaluation du dossier, qui met un accent très particulier sur les mesures de sauvegarde qui pourraient permettre de protéger et promouvoir cette belle expression culturelle du Cameroun.

Et à ce propos, l’Etat et la communauté ont fait des propositions concrètes dans le dossier de candidature pour renforcer les mesures de sauvegarde déjà existantes : la transmission par l’éducation formelle et informelle, identification, documentation et recherche, de promotion, mise en valeur ou encore de revitalisation de certaines pratiques ou des écoles patrimoniales de transmission. Comme vous le savez, l’Etat a toujours soutenu l’organisation du Nguon et ne ménagera aucun effort pour soutenir les efforts de la communauté à pérenniser, transmettre et rendre visible cet élément sur le plan local, national et international.

Comme cela est indiqué dans le dossier de candidature approuvé, l’essentiel des mesures de sauvegarde sera porté par les praticiens et détenteurs du Nguon. Je voudrais par conséquent exprimer toute ma reconnaissance à tous les experts locaux et internationaux pour leur disponibilité dans ce processus, sans oublier ce vibrant hommage que nous rendons à la communauté Bamoun pour sa disponibilité et sa compréhension.

Qu’est-ce-que cette inscription du Nguon rapporte concrètement à la communauté Bamoun et au Cameroun en général ?
Cette toute première inscription sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité est une marque de la vitalité de la diplomatie culturelle du Cameroun et apporte une visibilité internationale à l’élément Nguon, à l’ensemble de la communauté détentrice de ce patrimoine séculaire et au Cameroun, comme le témoigne l’expression des félicitations des autres pays lors de la plénière.

Elle va indubitablement ouvrir le Cameroun et le Noun à la planète culturelle et stimuler une nouvelle dynamique culturelle et patrimoniale nationale au service du patrimoine lui-même, mais aussi des communautés du point de vue du développement local. D’un point de vue purement régional, nous contribuons à travers cette inscription à réduire l’écart de représentativité du patrimoine culturel africain sur les listes de l’Unesco. C’est le cinquième élément culturel inscrit dans la zone économique CEEAC et le troisième de la zone CEMAC.
C’est aussi un prestige supplémentaire pour la communauté porteuse de l’élément culturel, une reconnaissance sur le plan de l’humanité, qui devra galvaniser les autres communautés, les détenteurs et praticiens du patrimoine culturel immatériel et le gouvernement à prendre conscience de l'importance de la sauvegarde de ce patrimoine. Cette consécration vient jeter un regard nouveau sur la diversité culturelle du Cameroun et participe de son lobbying à travers le monde, ce qui va fortement contribuer à la promotion du tourisme et des économies culturelles locales.  
C’est en outre une belle opportunité de la découverte de la riche dynamique culturelle, artistique et artisanale de ce peuple et de ce fait un facteur de rayonnement touristique et de développement pour la ville et ses environs, le tout dans la conservation des éléments et valeurs essentielles du Nguon. Cette inscription va aussi logiquement galvaniser les autres communautés du Cameroun à rentrer dans ce train de la nouvelle ère culturelle qui s’ouvre pour notre pays.

Le Cameroun est riche de sa diversité culturelle justement. Y a-t-il des éléments ciblés dans les autres aires culturelles pour de futures candidatures à l’Unesco ?
Tout d’abord je voudrais vous annoncer que le ministère des Arts et de la Culture et la communauté Sawa ont travaillé et soumis la candidature intitulée « Le Ngondo, culte des oracles de l'eau et traditions culturelles associées chez les Sawa », avec le soutien technique renouvelé du Bureau régional de l’Unesco à Yaoundé. Cette candidature soumise en mars 2023 rentre dans le cycle 2024 et a déjà traversé le cap de l’analyse de conformité par le secrétariat de la Convention à l’Unesco. Le dossier doit en principe déjà être en pleine évaluation par l’organe indépendant d...

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