Interview : « aucun développement durable sans équilibre climatique »

Dr René Yatcho Nyaben, expert en économie du développement, enseignant et directeur du cabinet d’études Yatch Consulting Eurêka.


La COP 28 organisée à Dubaï aux Emirats arabes unis s’est achevé sur l’adoption d’un accord dit de « Transition hors des énergies fossiles » et qualifié d’« historique ». Que va-t-il apporter comme innovation en matière de lutte contre le changement climatique ?
C’est la première fois, dans l’histoire des conférences sur le climat qu’un texte appelant à abandonner progressivement les énergies fossiles, est voté. Ce qui s’est passé le 13 décembre 2023 à Dubaï est donc inédit car tous les Etats-participants ont semblé se mettre d’accord sur la nécessité de maintenir le réchauffement climatique en deçà de 1,5°C. Dans cette perspective, la proposition de migrer graduellement vers un système plus propre, en délaissant les énergies fossiles d’ici 2050, est apparue comme une grande victoire.

On est ainsi passé de la sortie (phase-out) brutale du charbon, du gaz et du pétrole à la « transition hors des énergies fossiles » (transitioning away) acceptable par tous. De ce fait, les résistances de certains pays pétroliers comme l’Arabie Saoudite ont été contournées. A l’évidence, ce consensus ouvre la voie à des pistes nouvelles en matière de lutte contre le changement climatique. L’apport le plus conséquent réside sur les stratégies de remplacement des énergies fossiles par des sources d’énergie alternatives comme l’éolien, le solaire, l’hydroélectricité, le bois-énergie. Il s’agit donc d’une évolution susceptible de favoriser la neutralité carbone par l’accélération des technologies « zéro carbone », le dépassement des énergies de transition comme le gaz, le captage et le stockage du carbone.

 

Quand on sait que des accords similaires avaient déjà été signés sans véritable impact contre le réchauffement climatique, n’y a-t-il pas lieu de craindre que celui de Dubaï connaisse le même sort ?
De manière générale, les Etats ne respectent les accords que lorsqu’ils y trouvent un quelconque intérêt. C’est une question de souveraineté, très souvent  avancée pour justifier, y a les refus de se conformer à des résolutions adoptées dans des fora internationaux. Il est donc fort à craindre que des égoïsmes particuliers pèsent sur le sort des décisions prises à la Cop 28. La crainte est d’autant plus forte que le texte établi et lu à la clôture des assises de Dubaï est assez large, voire flou pour engager et désengager les Etats à la fois.

Plusieurs raisons justifient cette appréhension : D’abord, la Cop 28 évoque la capture et le stockage de carbone, notamment par les pays pétroliers. Or, la technologie dans ce domaine n’est pas encore au point. Il est donc possible que ces mêmes pays en tirent le prétexte pour poursuivre leur exploitation fossile en toute sérénité. Ensuite, l’accord ne demande pas aux pays du Nord de militer formellement en faveur de la transition vers l’abandon des combustibles fossiles. Ce manquement peut paraître injuste pour les pays qui cherchent à tirer, à leur tour, des avantages économiques de l’utilisation du gaz et du charbon. Enfin, les promesses de financement effectuées au cours de cette conférence peuvent susciter des doutes quand on sait que depuis 2009 au moins, les montants prévus pour le financement climatique n’ont jamais été alloués selon les termes convenus. Toutefois, la COP 28 ayant abouti à des consensus inédits, l’optimisme doit prévaloir sur le pessimisme car une volonté de sortir du cercle vicieux des perturbations climatiques semble planer sur le genre humain en ces jours.

 

Peut-on envisagé un développement durable sans énergies fossiles ?
En considérant le développement durable comme tout développement économique fondé sur l’absence de surchauffe et des cycles prospérité-faillite, en l’associant en prime avec la préservation, du capital écologique et social des générations présentes et futures, la réponse est oui ! Il faut admettre, en la circonstance, que la focalisation sur les énergies fossiles est un penchant dangereux pour l’avenir de notre planète. Certes, les énergies fossiles contribuent à la production et à la croissance, mais elles induisent des émissions colossales de gaz à effet de serre potentiellement nuisibles à l’équilibre climatique.

Or, aucun développement durable ne peut ...

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