Leçons de l’affaire Bopda

Le cas occupe la première place au classement des sujets de conversation de l’heure. Loin devant le cuisant échec des Lions indomptables à la Can 2023. Dans les chaumières, les marchés, gares routières, taxis, snack-bars et autres restaurants huppés qu’il aimait à fréquenter, semble-t-il pour « chasser », l’on ne parle que du cas Hervé Bopda. L’opérateur économique, dont le nom n’était jusqu’alors que peu connu des Camerounais, est sur la sellette depuis quelques semaines. Mis en cause par de jeunes femmes pour des abus sexuels, souvent sous la menace d’une arme à feu. L’homme d’affaires installé dans la ville de Douala a été formellement interpellé à la suite de la plainte d’un collectif d’avocats et celles de certaines familles. Les horribles accusations portées contre Hervé Bopda dans 70 témoignages anonymes ont suscité une vive émotion au sein du gouvernement et de la société, amenant désormais les langues à se délier. Genre déferlante #MeToo, mouvement social encourageant la prise de parole des femmes, dans le but de faire savoir que le viol et les agressions sexuelles sont plus courants que ce qui est souvent supposé, et de permettre aux victimes de s’exprimer sur le sujet. Une analyse des sorties fracassantes qui pleuvent sur les réseaux sociaux permet d’en tirer un certain nombre de leçons.

D’abord l’étendue du fléau. Si l’on se fie au bouillonnement et aux dénonciations sur la Toile depuis le déclenchement de cette affaire, force est de reconnaître que la prédation sexuelle est rampante au sein de notre société. Les victimes se comptent par milliers : filles et garçons à peine pubères, adolescents, jeunes adultes de sexe masculin et féminin. Premières cibles de cette dérive comportementale, les femmes se recrutent dans toutes les catégories sociales, des élèves aux cadres d’entreprise, en passant par les étudiantes, stagiaires, enseignantes, journalistes, femmes en tenue, artistes musiciennes et de cinéma, infirmières et médecins, secrétaires, esthéticiennes, employées de maison, etc. Pour ce qui est du profil des prédateurs sexuels, on trouve un peu de tout. Dénominateur commun, la position de pouvoir au travail ou le puissant statut social que les uns et les autres utilisent pour harceler sexuellement tant de femmes. Le grand déballage ne fait probablement que commencer. Aucun secteur, aucune corporation ne sont épargnés. C’est dire à quel point notre société est malade, affectée qu’elle l’est par la dépravation des mœurs.

Ensuite l’omerta de la société. Le scandale Bopda, espèce de bombe déclenchée à retardement, en dit long sur la loi du silence dans tous les milieux sociaux et le sentiment d’impunité qui règne chez les harceleurs et les violeurs en série. De nombreuses personnes étaient au courant, pourtant personne n'a jamais activé la sonnette d'alarme. À commencer par certaines autorités qui auraient fermé les yeux sur les plaintes des victimes et assuré plutôt la protection du bourreau. Ces agissements ne datent en effet pas d'hier. Les victimes, quand elles osent en parler, ne sont généralement pas crues ou subissent des pressions. Du coup, les têtes ne tombent pas. Et le harceleur continue de résister dans les milieux professionnels, politiques, éducatifs, artistiques… Les affaires se terminent en rumeurs que l'on traite avec une ironie et une certaine distance condamnable. Heureusement, les temps sont en train de changer, les mentalités évoluent. Les victimes de harcèlement sexuel, principalement les femmes qui ont catalogué ce fléau comme une violence à leur égard, ont compris qu’elles ont des droits. Elles peuvent ester en justice.

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