« Tous les Congolais doivent soutenir ces efforts »

Dr. Mariette Edimo Mboo, chargée de cours et enseignante permanente à l’IRIC

Qu’est-ce qui peut expliquer, selon vous, le regain de tension actuel dans le Nord-Kivu à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) ?
Sur le plan géographique, la République démocratique du Congo et le Rwanda partagent deux postes frontaliers : Goma /Gisenji au Nord du lac Kivu et Bukavu/Cyanguen au Sud. Donc, les tensions actuelles se passent dans la région de Goma, considérée comme l’une des régions les plus intégrées, capitale du Nord-Kivu, possédant un visage à la fois paisible, vivant et entreprenant. Cependant, cette région est également considérée comme celle dans laquelle on retrouve un grand nombre d’exactions qui meurtrissent la région des Grands lacs : massacres de civils, violences sexuelles, pillages ou déplacements de populations. Depuis 1994, les relations entre la RDC et le Rwanda ont été jalonnées de tensions. Aujourd’hui encore la RDC accuse le Rwanda et ses supplétifs du M23 de vouloir faire main basse sur les minerais de l’Est du Congo. Entre temps, le M23 affirme de son côté, défendre une frange menacée de la population et réclame des négociations que Kinshasa refuse. 

Les autorités congolaises accusent le Rwanda de soutenir les rebelles du M23 alors que ce dernier nie tout soutien à ce mouvement rebelle. Ces allégations sont-elles fondées ?
Votre préoccupation permet de convoquer trois acteurs pour mieux comprendre la situation. Ce trio est composé : d’autorités congolaises, du Rwanda et du M23. La question doit permettre de cerner la raison fondamentale du désaccord entre ce trio. Le conflit en RDC trouve ses origines dans le génocide des Tutsis au Rwanda de 1994, ainsi que les évènements liés au Burundi. Les exactions issues de ces tensions tirent leurs racines dans la problématique de la nationalité des peuples d’origine rwandaise, de la mal gouvernance, de la convoitise étrangère des ressources naturelles du Congo-Kinshasa, de la présence des groupes armés étrangers et des manipulations politiciennes. Par rapport à ce conflit, les autorités congolaises pensent que les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda dans le Nord-Kivu, continuent de causer dans leur sillage, une série de crimes de guerre contre les civils et pensent clairement que le Rwanda devrait mettre fin à son soutien militaire au M23. Le 23-Mars (M23) quant à lui est un mouvement majoritairement Tutsi. C’est un groupe armé issu d’une ancienne rébellion Tutsi congolaise, qui a repris les armes fin 2021, malgré des accords de paix signés en 2013. Il reproche à Kinshasa de ne pas avoir respecté des engagements sur la réinsertion de ses combattants. Pour mener à bien ses offensives, le M23 aurait mené des campagnes de recrutement depuis juillet 2022 dans les territoires de Rutshuru, Masisi, Walikale et Lubero, en Ouganda et au Rwanda, augmentant ainsi ses effectifs tout en ayant recours à des enfants. Le Rwanda de son côté dénonce des discours de haine « anti-rwandais » de plus en plus violents côté congolais. Le rapport de l’ONU accuse le Rwanda de soutenir le M23. Le groupe d’experts ayant travaillé sur ce rapport évoque l’existence de preuves substantielles sur l’intervention directe des forces de défense rwandaises en RDC aux côtés des rebelles du M23 ou pour combattre les FDLR accusées de collaborer avec l’armée congolaise. En s’appuyant sur ce rapport, nous pouvons sans risque de nous tromper affirmer que ces allégations contre le Rwanda sont avérées.

Le départ des forces de maintien de la paix de l’ONU et d’autres troupes régionales ne complique-t-il pas la crise ?
Effectivement, près d’un an après le début de son déploiement dans l’Est de la RDC, la force régionale de la communauté d’Afrique de l’Est (EACRF) est poussée vers la sortie par le gouvernement congolais. Pendant que les combats entre les rebelles du M23, les milices d’auto-défense et d’autres groupes armés se poursuivent dans le Nord-Kivu, les autorités congolaises affirment que le mandat de la force est-africaine ne sera pas renouvelé. La force régionale de l’EAC devra également quitter la RDC parce qu’elle n’a pas été en mesure de résoudre les problèmes. Notamment celui du M23, qui bloque depuis deux mois, le processus de pré-cantonnement. Ce qui revient à dire que la force régionale serait incapable de r&...

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