Interview : « Des mesures de relance audacieuses sont à prendre »

Dr Serge Christian Alima Zoa, internationaliste, Centre de recherche et d’études politiques et stratégiques (CREPS) de l’Université de Yaoundé II-Soa.


Le 37e sommet des chefs d’Etat de l’Union africaine tenu les 17 et 18 février derniers à Addis-Abeba en Ethiopie s’est achevé sur un constat : le continent est secoué par une kyrielle de crises. Notamment, le terrorisme, les coups d’Etat de plus en plus récurrents, l’émigration clandestine, les changements anticonstitutionnels, etc. N’est-ce pas trop pour un continent ?
En effet le 37e sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine (UA) s’est achevé le dimanche 18 février dernier à Addis-Abeba sur fond d’inquiétudes avec la floraison des crises et troubles, conséquences des effets conjugués des changements anticonstitutionnels à répétition, des coups d’Etat militaires successifs et de l’expansion du djihadisme. D’aucuns seraient tentés chemin faisant de penser à une graveleuse liturgie de la fatalité.

Les dossiers brûlants tels que les guerres au Soudan et en Libye, les violences à la frontière de la République démocratique du Congo (RDC) et du Rwanda, les dissensions en Afrique du Nord entre les deux poids lourds Algérie et Maroc, le retrait de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) du Burkina Faso, du Mali et du Niger et la crise politique au Sénégal, n’ont pas diminué la prégnance des principaux défis du continent. La paix, l’instabilité politique et institutionnelle, les changements climatiques, les déficits en matière de gouvernance économique, l’intégration, la pauvreté, la marginalisation des femmes et des jeunes dans les processus de développement et de leadership dans les systèmes politiques et sociaux, demeurent les principales sources de préoccupations.

Pour le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, la complexification inouïe du monde est loin d’arranger les choses. La conflictualité, la violence et le déclin des grands principes ont pris, hélas, le dessus sur l’humilité, la paix et la noblesse des valeurs fondatrices de la civilisation humaine. Les ressorts de l’Architecture de paix et de sécurité (APSA) et sa sœur jumelle l’Architecture de gouvernance africaine (AGA), célébrés lors de leurs premiers pas, sont désormais substantivement dans l’impasse. Pour s’être écartés de la voie démocratique, valeur et principe fondamental de l’UA, six pays ont été suspendus, trois du Sahel, la Guinée, le Gabon et le Soudan. Toutefois, à cette Afrique qui se délite, il demeure justement une ressource précieuse et d’une importance capitale : la volonté de survivre et de lutter.

D’aucuns appellent à des solutions endogènes. De quelle marge de manœuvre dispose l’Union africaine pour combattre efficacement cette différente crise devenues récurrentes à l’échelle continentale ?
Malgré tous ses handicaps, l’UA occupe une place unique en matière de maintien de la paix et de la diplomatie continentale. Le forum du G20 des plus grandes économies du monde a reconnu son rôle important en septembre 2023, lorsqu’il a fait de l’UA un de ses membres permanents. L’UA a ainsi pu siéger à la table des discussions sur des questions majeures pour les États africains, telles que la réforme des institutions financières internationales.

Trois mois plus tard, le Conseil de sécurité des Nations unies a donné à l’organisation une autre victoire importante en ouvrant la voie à l’utilisation de contributions obligatoires afin de financer les opérations de maintien de la paix menées par l’UA. De nouvelles plateformes et de nouveaux outils peuvent offrir à l’organisation de sécurité collective des possibilités pour faire progresser la paix, la sécurité et la prospérité sur le continent africain. Mais pour en tirer le meilleur profit aux yeux de plusieurs observateurs comme ceux de l’International Crisis Group, les États membres devront d’abord contribuer sans acrimonie à solidifier les bases de l’organisation en réglant rapidement les questions institutionnelles.

Tout d’abord, l’UA doit trouver un moyen de mieux gérer les différends entre deux de ses principaux bailleurs de fonds, le Maroc et l’Algérie. Ces discordes marmoréennes l’empêchent, en effet, de fonctionner correctement. Elles sont d’ordre géopolitique : Rabat considère le Sahara occidental comme faisant partie intégrante de son propre territoire, tandis qu’Alger soutient les Sahraouis du Front Polisario, qui ont proclamé l’indépendance de ce territoire. Bien qu’il soit difficile de les amener à changer, les États membres qui ont de l’influence dans ces deux capitales devraient leur faire comprendre le coût de leur démêlé pour la région d’Afrique du Nord et les encourager à trouver un modus vivendi qui permettra à l’UA de poursuivre son mandat de manière plus efficace.

Ensuite, le futur président de la Commission devrait posséder toutes les compétences et l’habileté nécessaire pour combler les nombreuses fractures linguistiques et régionales au sein de l’UA. Pourvu d’une marge suffisante pour agir dans l’urgence sur les questions stratégiques, il (elle) devrait être en mesure de conduire l’UA à travers ce qui risque d’être un cycle de plusieurs années très difficiles et représenter le continent à l’échelle mondiale, alors que le besoin d’un leadership visionnaire se fait cruellement sentir. Enfin, si les États africains veulent que l’UA réussisse, ils ne peuvent que renforcer leur propre engagement envers l’organisation. Les dirigeants du continent attendent beaucoup de l’UA, mais hésitent souvent par hâbleries à lui apporter un soutien politique ferme ou un appui financier suffisant.

Le nouveau mécanisme de financement des Nations unies contribuera à financer les missions de maintien de paix, mais il ne couvrira que 75% des coûts, laissant le continent combler l’écart avec ses propres fonds ou chercher un soutien extérieur. Plus l’UA et ses Éta...

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