Musées d’histoire : une initiative à multiplier

Le Cameroun vient de s’enrichir d’une nouvelle infrastructure dédiée à la promotion et la valorisation de son histoire, mais aussi à la promotion du tourisme : le musée des rois Bamoun. Majestueusement établi au cœur de la ville de Foumban, cet édifice original de par son architecture-en forme d’un serpent à deux têtes assortie d’une araignée et d’une cloche à double gongs- fait corps avec le palais des rois Bamoun. Il est surtout le creuset où l’on retrouve les artefacts clé de l’historiographie du royaume Bamoun. Mieux, c’est un gisement précieux dans la compréhension de l’histoire du Cameroun, et la construction du postulat d’une civilisation africaine. Car, avec des manuscrits des premiers ouvrages du roi Njoya en écriture shu-mom inventée dès 1894, ou des inventions technologiques comme le moulin à moudre le maïs, les expositions visibles au musée des rois Bamoun sont/font la fierté de toute l’Afrique noire.
D’emblée, il importe de souligner avec les experts en la matière que le musée des rois Bamoun rentre dans la catégorie de musée d’histoire, avec une ouverture et un encrage sur les arts et même les beaux-arts. Au-delà de cette typologie, cette institution muséale, comme tout organisme de même nature, doit remplir des missions précises. En effet, en 1922, Jean Capart, conservateur en chef des musées royaux d’art et d’histoire à Bruxelles, assigne deux missions au musée moderne : scientifique et interne d’une part, éducative et de communication extérieure d’autre part. Petit à petit, les muséologues vont structurer cette approche fonctionnelle du musée et les « cinq verbes »– fait des recherches, acquiert, conserve, communique, expose – apparaissent comme autant de missions attribuées au musée. D’autre part, certains chercheurs structurent les missions muséologiques selon trois axes : la conservation (Preservation), l’étude (Research) et la communication (Communication). Sous ce dernier terme, il regroupe l’ensemble des activités du musée tournées vers le public, les visiteurs des salles d’exposition et les destinataires des actions éducatives ou culturelles autant que les chercheurs et les lecteurs des publications du musée. Ce modèle place la collection au centre de l’activité muséale ; c’est elle que le musée conserve, étudie et fait connaître. Bruno-Nassim Aboudrar, historien français et spécialiste d’esthétique, attribue quatre missions à tous les musées d’art : « Le musée doit exposer le patrimoine qu’il conserve, éduquer et procurer du plaisir. »
Ce socle épistémologique propre au musée, le roi Njoya l’a amplement épousé (peut-être sans le savoir), lorsqu’il eut l’idée, en 1922, d’aménager un cadre appelé « Nda Ngu » (maison du royaume), ancêtre de musée. Dans cet espace, étaient conservés tous les attributs du pouvoir royal, les objets d’art, œuvres et autres supports qui renseignaient sur la vie des monarques et du royaume. Pour plusieurs chercheurs, Njoya voulait matérialiser le « patrimoine témoignage » du génie humain, exposé de manière encyclopédique. Bien plus, il a amorcé la mise sur pied du « patrimoine – indice » où les collections témoignent matériellement des sociétés humaines. La collection y étant garante d’une « forme d’authenticité dans une société moderne qui court en avant, sorte de trait d’union entre passé et futur. » Cette valorisation du patrimoine, source irréfutable d’une civilisation africaine, peut avoir sens et résonnance au sein de plusieurs communautés nationales.
Dans son ouvrage intitulé « Le lamidat de Tibati. Histoire d’une résistance anticoloniale et organisation socio-administrative », paru en 2018 aux Editions AfricAvenir, l’auteur Hamidou Nouhou Barrywa, s’indigne de ce que « l’historien s’est très peu penché sur la structuration et la politique interne du lamidat de Tibati et, probablement pour d’autres lamidats aussi ». Et pourtant, défend l’auteur, ces chefferies religieuses devenues chefferies traditionnelles ont joué un rôle dans l’histoire du Cameroun. Mais comment revisiter ces pages de l’histoire en l’absence d’un espace plus convivial, cadre de ressourcement et d’apprentissage ? Autrement, un musée d’histoire pourrait aussi nous rappeler les premiers contacts et les affrontements avec les Allemands, par exemple, qu’on situe à la fin du 18e siècle. De même, en parcourant « Mon odyssée. Histoire de la Réunification du Cameroun. Assortie des lettres authentiques des acteurs majeurs » de Victor E. Mukete, il y a suffisamment de matières pour b&acir...

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