Joseph Charles DOUMBA: témoignages

Christophe Mien Zok: « Il avait l’obsession du mot juste »

Ancien collaborateur, directeur général du palais des Congrès

« Chez Joseph Charles Doumba, l’obsession du mot juste, la fascination pour la belle tournure ou la meilleure formulation faisaient intimement ou intrinsèquement partie de sa personnalité. Il pouvait réveiller un collaborateur tard dans la nuit pour partager avec lui le fruit de ses réflexions ou pour lui indiquer, de mémoire, le mot qu’il fallait dans tel paragraphe au sujet d’un texte en préparation. L’une des premières leçons que j’ai apprises de lui était : « apprenez à dicter, même les textes les plus importants. » Il avait le sens de l’improvisation, mais elles étaient préparées. S’il ne lisait pas les discours intégralement il dévorait néanmoins les fiches et les projets préparés par les collaborateurs. Vous avez dit mémoire d’éléphant ? D’autres diraient un disque dur que la maladie, hélas, a fini par user… Son exigence, son perfectionnisme, allaient dans les moindres détails. Tel collaborateur doit encore se souvenir de sa cinglante observation, un week-end où il s’était aventuré au bureau en babouches : « la prochaine fois, épargnez-nous la nudité de vos orteils ». Tel autre encore n’a pas dû oublier ce "conseil" valant blâme : « on ne va pas à la présidence de la République avec un véhicule de couleur bordeau ». A la proposition d’un dignitaire du Parti qui voulait lui ramener un costume d’un voyage à l’étranger, il déclina l’offre et me dit en aparté : « est-ce qu’il connait mes goûts ? ». Il avait le sens de la litote au point où le fiel qu’il pouvait déverser prenait un goût de miel. Même quand il recourait à la langue de bois, elle était recouverte de soie. « Il faut que cesse cette inconscience qui consiste à être sans en avoir conscience », avait-il un jour répliqué à un ministre qui avait du mal à assimiler la mission à lui confiée par le Parti.
Au milieu des années 2000, alors que le militants et l’opinion attendaient impatiemment la date du Congrès, il y répondit par une phrase sibylline glissée dans le communiqué sanctionnant la réunion du Bureau Politique : « le Bureau Politique, écrit-il, a donné mandat au Président National de veiller au bon fonctionnement de toutes les instances du parti, y compris le congrès. » Comprenne qui voulait ou qui pouvait.
Autres traits marquants de son caractère : la sobriété, la frugalité en matière alimentaire. Joseph Charles Doumba était aussi boulimique et gargantuesque au banquet intellectuel, idéologique et conceptuel qu’il était ascétique voire anorexique en matière de nourriture. Il se sustentait au lieu de manger. Mais cela ne l’empêchait pas de se soucier de ses collaborateurs et secrétaires à qui il offrait régulièrement un viatique financier pour une collation, bien méritée.
Intimidant au premier contact, voire autoritaire – « lorsque j’ai dit ça, le débat est clos » aimait-il à dire en martelant la table de ses doigts fins, Joseph Charles Doumba savait être d’un commerce et d’une compagnie agréables. Une bonne blague pouvait le faire rire jusqu’aux larmes tout comme la prestation d’un musicien lors d’un concert. Evoquer ce côté humain de Joseph Charles Doumba, c’est parler aussi de son culte du secret et de sa manie à s’exprimer en langage codé, surtout au téléphone. Evidemment, il fallait un décodeur pour savoir qui était "PON", "ETOUN MOT", "Le Président du Comité de Base", "la grande courroie", [son] "jumeau" etc. Les documents importants devaient exister en un "exemplaire unique" tant que "PON" n’avait pas donné son approbation. Grand consommateur de renseignements généraux, et parfois de ragots farfelus, lui, le rationnel, le cartésien, le cérébral, n’hésitait pas à vous parler, en baissant la voix comme un comploteur, de la "foudre mystique" ou de l’existence d’une "association de prêtres défroqués" !!!
Au fond, Joseph Charles Doumba était un homme de devoir, de mission qui avait le sens de l’Etat et de l’histoire. Un intellectuel qui fut l’inspirateur de la ligne éditoriale du journal L’Action axée sur le soutien critique et intelligent. Il fut aussi le premier relecteur et le préfacier de nombreux ouvrages sur le Président Paul Biya, le RDPC et le Cameroun, ses trois grandes amours. Pour lui, avec lui et selon lui, la politique pouvait prendre des accents poétiques et lyriques, le tout e...

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