Comment réenchanter le vivre-ensemble

Les Camerounais regretteront-ils l’année qui s’achève ? Difficile à dire. Tant elle a vu culminer les crises, politique, sécuritaire, avec leurs douloureuses conséquences, leurs coups de boutoir intempestifs sur l’équilibre budgétaire et la planification économique. Avec aussi, leur résonnance morbide dans les réseaux sociaux, qui a fini par saper le moral des plus flegmatiques.

En effet, à la cruauté des milices séparatistes, s’étaient conglomérés pêle-mêle : les diatribes de haine sur Internet d’une diaspora déboussolée et téléguidée ; les saccages des symboles de l’Etat et de certaines ambassades ; le fameux « mouvement de résistance » du MRC, à la stratégie illisible ; le jeu trouble et les manoeuvres de certains acteurs-clés, au Cameroun et en-dehors, qui donnaient le sentiment d’oeuvrer à faire perdurer la crise.

On aurait pourtant tort de ranger l’année 2019 trop hâtivement aux oubliettes. Cette première année du nouveau septennat présidentiel pourrait même être considérée comme l’année-charnière du processus de pacification conduit par le chef de l’Etat depuis de longs mois. Et si elle paraît si déterminante, c’est qu’au milieu du bruit et de la fureur, au coeur de l’escalade de la violence, germait déjà de manière imperceptible la graine qui allait contribuer à apaiser une société meurtrie. Car alors que le pays était plongé dans cette pénombre chaotique, le président de la République qui connaît le Cameroun et le microcosme politique mieux que personne, a donné contre toute attente, des signaux lumineux, porteurs d’espoir. L’annonce de la tenue d’élections législatives et municipales, plusieurs fois reportées, dans un pays qu’on disait figé, anesthésié par les crises était en elle-même un événement. La libération de plusieurs centaines de prisonniers détenus dans le cadre des violences fomentées par les séparatistes armés, tout comme les prévenus de l’affaire MRC ; sans compter tout un arsenal de textes de lois pour renforcer le bilinguisme, organiser la reconstruction des zones de conflit, et accélérer la déconcentration de l’Etat.

Mais Paul Biya a surtout convoqué le Grand dialogue national, un moment inédit de communion et de vérité entre tous les acteurs sociaux et politiques, autour de la résolution de la crise qui perdure dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest depuis trois longues années, menaçant la cohésion sociale. Une grand-messe familiale qui a, au nom de l’intérêt national, convié à la table des discussions, l’opposition radicale, la diaspora, les sécessionnistes et les groupes armés. Ce qui ne devait laisser aux yeux des sceptiques aucun doute sur la volonté obstinée et résolue de réconcilier la nation avec elle-même. Malgré quelques tensions, bien compréhensibles au regard des enjeux, l’utilité et la fécondité du Grand dialogue national ont été saluées, et ses recommandations les plus pertinentes à l’origine de grandes réformes politiques, preuve d’une interaction productive entre le pouvoir et la base. Ces initiatives présidentielles, conjuguées à l’adhésion des populations, lasses de la guérilla et des débats hystériques, ont enclenché un processus de retour à la paix que la mise en route effective de la décentralisation et du statut spécial des régions du Nord et Sud-Ouest est appelée à consolider. A cette étape, une évidence s’impose : c’est le constat de la résilience du Cameroun, que l’on a cru pouvoir terrasser avec des guerres imposées sur plusieurs fronts. Il est clair pour tous désormais que même traversant une crise sans précédent, il conserve de nombreux atouts et une importance indiscutable en Afrique. A la vérité, si le Cameroun est sur une bonne trajectoire pour en finir avec ses crises, c’est en partie grâce au soutien appuyé d’acteurs sociaux de poids, qui ont condamné sans réserve la dérive sanguinaire et mafieuse des sécessionnistes et adoubé la stratégie présidentielle de retour à la paix.

Il faut se féliciter à cet égard des positions sans équivoque des élites, des associations féminines, des leaders religieux, en particulier de la Conférence épiscopale nationale et du Cardinal Christian Tumi, sans oublier les leaders musulmans. Leur parole courageuse et leur patriotisme ont contribué à discréditer le funeste délire de la partition du Cameroun, et les miasmes de haine disséminés au quotidien à travers la toile. Quant à la classe politique, elle gagnerait à ne pas entretenir de calcul politicien dans ce contexte. Les peuples, si versatiles soient-ils, ne sont pas totalement amnésiques.

Et pourtant, rien n’est définitivement acquis. Quand bien même les Camerounais puiseraient en eux-mêmes la force de déconstruire les discours de haine et de panser les plaies qu’il a ouvertes, ils se heurteraient toujours à l’épineuse équation du rôle de « la communauté internationale » dans le règlement - ou l’embrasement - de ces crises. Lorsque les puissances s’affranchissent sans états d’âmes du multilatéralisme, elles légitiment la loi de la jungle. Et les Etats jeunes et potentiellement riches comme le Cameroun, en paient le prix fort en termes de chantages à la stabilité. En effet, nous faisons tous le constat de l’instrumentalisation des ONG aux fins de discréditer l’armée et le pouvoir de Yaoundé sur le thème du respect des droits de l’Homme, sans compter les intrusions de moins en moins discrètes des lobbys diplomatiques et parlementaires de l’Union européenne et des Etats-Unis d’Amérique dans la politique intérieure. On peut s’interroger à cet égard sur l’attitude de ces « amis » : &...

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