Mitsuhiro Furusawa: « L’emploi et les salaires de la Fonction publique seront maintenus »

Directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI), explique

 

Monsieur le directeur général adjoint, après les deux visites de Mme Lagarde au Cameroun l’année dernière, c’est à votre tour de fouler le sol camerounais, pour la première fois. Quel est l’objet de votre visite ?


Ma visite signale avant tout l’importance que le FMI accorde au renforcement de la coopération entre notre institution et les pays de la CEMAC en général et particulièrement avec le Cameroun. Le renforcement de cette coopération s’est traduit récemment par l’appui de notre conseil d’administration aux programmes économiques mis en place par des pays de la CEMAC pour faire face aux effets conjugués d’une baisse drastique des produits pétroliers - cinq des six pays de la sous-région sont producteurs de pétrole. Comme vous le savez, quatre de ces  pays (Cameroun, Gabon, Tchad et RC)  ont maintenant des programmes appuyés par le FMI et des discussions sont en cours avec la République du Congo et la Guinée équatoriale. Le Cameroun, avec l’économie la plus importante de la région, joue un rôle essentiel dans la stratégie de maintien de la stabilité monétaire de la CEMAC. Je voudrais à cet égard féliciter le président Biya pour son leadership dans l’appréciation de la situation de la sous-région et pour l’organisation du sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la sous-région du 23 décembre 2016 qui a permis de jeter les bases de ce renforcement de coopération avec le FMI, dans le but de restaurer les équilibres macroéconomiques dans la région.


Quelle appréciation faites-vous de la situation actuelle de l’économie camerounaise ?


A l’instar des autres pays de la CEMAC, le Cameroun a souffert du double choc de la baisse des prix des produits pétroliers et des attaques répétées de Boko Haram, mais dans une moindre mesure que les autres pays de la région grâce à son économie plus diversifiée. Toutefois, avec un rééquilibrage budgétaire tardif et l’intensification de l’investissement public, le Cameroun est confronté à un ralentissement de croissance qui est passée de 5,9 % en 2014 à 4,7 % en 2016. Les réserves de change attribuées au Cameroun, qui représentent plus de la moitié des réserves de changes régionales, ont également baissé de 6 à 3,7 mois de couvertures des importations sur la même période. C’est donc à juste titre que le gouvernement camerounais s’est engagé, dans le cadre de son programme économique soutenu par le FMI et l’ensemble de ses partenaires techniques et financiers, à mettre en place les réformes nécessaires pour maintenir la stabilité macroéconomique tout en libérant le potentiel de croissance du pays.


Le Conseil d’administration du FMI a justement approuvé en juin 2017 un programme visant à aider le pays à redresser son économie. De quel type de programme s’agit-il et pour quelle durée ? 


A partir de 2014, le Cameroun a été durement frappé par le double choc des cours du pétrole et de la situation sécuritaire qui a entraîné un ralentissement de la croissance, une augmentation rapide de la dette publique et une diminution des réserves de change. La stratégie de réformes du Cameroun s’inscrit dans la démarche régionale concertée tracée lors du sommet des chefs d’État de Yaoundé, durant lequel les autorités camerounaises ont impulsé une riposte coordonnée pour préserver la stabilité extérieure régionale et l’intégrité du régime monétaire. Le sommet a également appelé l’ensemble des pays membres de la zone à engager des discussions avec le FMI, en vue de la conclusion rapide d’un programme économique financier. Ces discussions ont abouti pour le Cameroun à l’approbation, le 26 juin 2017 par le Conseil d’Administration du FMI, d’un programme triennal appuyé par la Facilité élargie de crédit (FEC).


Quelles en sont les grandes lignes et comment va-t-il aider le Cameroun ?


La FEC est le principal outil du FMI visant à apporter un soutien financier à moyen terme aux pays à faible revenu faisant face à des difficultés prolongées de balance des paiements. La FEC est un guichet du fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance, qui a été créée dans le cadre d’une réforme plus large visant à assouplir le soutien financier du FMI et à mieux l’adapter aux besoins divers des pays, notamment en période de crise. Le programme appuyé par le FMI, d’un montant de 666.2 millions de dollars (à peu près 400 milliards de francs CFA) vise ainsi à accompagner les efforts déployés par les autorités pour restaurer ses grands équilibres macroéconomiques et favoriser une croissance forte et soutenue, tirée par le secteur privé. Il s’agit donc de renforcer la résilience du secteur financier et de créer les conditions d’une diversification de l’économie, tirée par le secteur privé. Le peuple camerounais bénéficiera ainsi de la stabilité macroéconomique et de la compétitivité accrue qu’apportera le programme. Le programme vise également à assurer la stabilité de la monnaie, l’amélioration de l’environnement des affaires, l’augmentation des dépenses de santé, d’éducation et de protection sociale, ainsi qu’une hausse de l’emploi et un accès élargi aux services financiers. 
Qu’est-ce qui distingue ce nouveau programme des précédents que le pays a eu à conduire avec le FMI par le passé ?
Nous reconnaissons que les programmes précédents soutenus par le FMI ont laissé des stigmates, en raison notamment d’ajustements structurels sévères, incluant des coupes importantes des salaires du secteur public qui, dans le contexte de la dévaluation de 1994, ont entraîné des baisses importantes du pouvoir d’achat de la population. Mais le FMI, au cours des dernières années, a beaucoup évolué, avec ses programmes et la création de la FEC vise notamment à mieux adapter ses interventions aux besoins des pays à faible revenu, mais aussi à protéger les couches les plus vulnérables des populations de ces pays des effets des ajustements. Ainsi, les programmes conclus avec le Cameroun et d'autres pays de la CEMAC mettent l'accent sur l'importance de préserver les dépenses sociales et de garantir la poursuite des projets d'infrastructures prioritaires favorables à la croissance. Les financements apportés par le FMI et les autres partenaires permettent également un ajustement beaucoup plus graduel et moins abrupt que ce qui aurait été autrement nécessaire pour restaurer les équilibres macroéconomiques de la région.


Les Camerounais ont besoin de savoir comment seront utilisés les fonds ainsi mis à la disposition du pays. Pourriez-vous expliquer comment ça marche ?


Comme vous le savez déjà, un premier décaissement d’environ 94 milliards de FCFA a été accordé au moment de l’approbation du programme le 26 juin 2017. D’autres suivront, au prorata de la conclusion des revues semestrielles de l’équipe du FMI. Il est donc important que les réformes économiques et financières contenues dans le programme soient mises en place rapidement, pour l’atteinte les résultats escomptés. En plus de l’apport financier du FMI, le programme va servir de catalyseur pour des appuis budgétaires supplémentaires de partenaires comme la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, l’Union européenne et la France. Ces contributions permettront de financer les objectifs du gouvernement traduits dans les budgets annuels, notamment en matière des dépenses sociales et de maintien des projets d’infrastructures prioritaires, mais également d’améliorer le niveau des dépôts de l’Etat à la BEAC, permettant ainsi de soutenir les efforts régionaux de reconstitution des réserves. Cette reconstitution permettra de garantir la stabilité du régime monétaire et de changes de la CEMAC.  


Le programme tient-il compte de la nécessité de préserver les acquis sociaux et améliorer le vécu quotidien des Camerounais ?


La protection des couches les plus vulnérables de la population camerounaise est au centre du programme appuyé par le FMI. A ce titre, assurer des niveaux appropriés de dépenses sociales constitue l’une des grandes priorités du programme qui, il convient de le souligner, comporte un plancher spécifique de dépenses sociales à exécuter chaque trimestre. Le programme vise par ailleurs à augmenter progressivement le niveau des dépenses en faveur des populations défavorisées dans le budget de l’État et accompagne l’élaboration d’une stratégie nationale de protection sociale avec les partenaires techniques financiers spécialisés en la matière, notamment la Banque mondiale. Cet objectif porte sur certaines catégories de dépenses des ministères en charge de l’enseignement primaire et secondaire, de l’emploi et de la formation professionnelle, de la santé, de la jeunesse et l’éducation civique, du travail et la sécurité sociale, des affaires sociales et de la promotion de la femme et de la famille.     


Ce programme pourrait-il aider le Cameroun à mettre en place les conditions d’une relance durable de son économie mise à mal par les effets conjugués d’une baisse drastique des cours des matières premières notamment du pétrole et l’insécurité dans le Nord du pays du fait des incursions des terroristes de Boko Haram ?


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