«Eradiquer la corruption, c’est opérer un changement»

Révérend Dieudonné Massi Gams, président de la Commission nationale anti-corruption (CONAC).

Au moment où le président Paul Biya qui a créé la CONAC entame un nouveau mandat de sept ans à la tête du pays, la structure que vous dirigez se sent-elle aussi investie d’une nouvelle mission ?

Vous savez, la lutte contre la corruption est un combat permanent et toujours perfectible. La mission de la CONAC est de contribuer à cette lutte dont le président de la République, Son Excellence Paul Biya, est l’impulseur. Au moment où il entame un nouveau mandat de sept ans, il est clair que c’est aussi une nouvelle impulsion pour la CONAC dans la lutte contre cette gangrène. Il vous souvient que lors de son discours de campagne, le 29 septembre 2018 à Maroua, le président de la République avait dit aux populations de l’Extrême-Nord que : « Maintenant que la menace s’éloigne, une tâche exaltante se présente à nous dans le proche avenir. Ce n’est ni plus ni moins que gagner, ensemble, la bataille du développement ». C’est aussi une invite pour la CONAC de continuer à œuvrer dans cette perspective, étant entendu qu’on ne peut gagner une telle bataille dans la corruption qui est cette gangrène qui se nourrit des ressources destinées au développement, qui appauvrit le citoyen en le faisant payer pour des services qui devraient être gratuits, qui est la cause de la mauvaise exécution des projets financés par l’Etat. Nous nous attèlerons à conduire cette nouvelle impulsion avec l’appui de tous les Camerounais.

Comment entendez-vous aborder votre travail au cours des sept prochaines années ?

Nous avons une boussole. C’est la Stratégie nationale de lutte contre la corruption, adoptée par le gouvernement et ses partenaires en 2011. Nous allons continuer à implémenter cette stratégie qui touche tous les secteurs de la vie nationale. Prioritairement, il nous tient à cœur de voir les taux d’implémentation des Plans régionaux de lutte contre la corruption dépasser les 50%, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Au niveau de l’administration centrale, nous allons travailler à renforcer la collaboration avec les cellules ministérielles de lutte contre la corruption ainsi que celles des entreprises et établissements publics. Nous souhaiterions que la CONAC se rapproche de la population à travers la création des antennes régionales et même départementales. A travers ces démembrements, les interventions de la CONAC pourront se faire en temps réel et seront beaucoup plus efficaces. Et puis, autant nous avons, tout ce dernier temps, insisté sur la promo tion de l’intégrité en milieux scolaire et universitaire, autant nous nous investirons à combattre les notes sexuellement et financièrement transmises dans ces milieux. Ce, sans préjudice des actions en cours d’implémentation. La CONAC va donc continuer de mener les investigations, conduire des audits et des actions par voie d’intervention rapide (AIR) avec l’aide de la ligne verte, le 1517, dont les Camerounais se sont appropriée avec une rapidité qui témoigne de leur refus de la corruption. Durant ce mandat, nous serons tout aussi heureux de voir les fonds recouvrés dans le cadre de la lutte contre la corruption, investis dans la réalisation des projets sociaux reconnaissables comme tels. Et enfin, compte tenu de l’internationalisation des agissements de corruption, un accent très particulier sera mis sur la coopération.

Quelle vous semble être la meilleure approche pour éradiquer la corruption au Cameroun : l’éducation, la sensibilisation ou la répression?

C’est tout cela à la fois et bien plus. Cette approche se résume dans l’outil PRECIS qui signifie Prévention, Education, Conditions, Incitation, Sanctions. La prévention vise à éliminer les opportunités de corruption ou conditions favorables à la réalisation d’actes de cette nature. Ces opportunités se trouvent généralement dans les insuffisances structurelles, juridiques, réglementaires etc. L’éducation consiste à réveiller les consciences, sensibiliser les citoyens aux principes d’éthique et d’intégrité, attirer leur attention sur leurs droits. Car, on accepte de corrompre ou d’être corrompu parfois par ignorance de la législation ou des règlements élémentaires qui régissent la relation usager-agent public. Les conditions renvoient à l’environnement de travail, notamment les ressources humaines, matérielles et financières. Les conditions constituent les facteurs-clés de lutte contre la corruption par la réduction de la vulnérabilité des agents publics. L’incitation, quant à elle, fait référence aux actions visant à valoriser l’agent qui se démarque sur le plan éthique, de même que les bonnes pratiques. Il s’agit de récompenser et d’encourager les bons comportements, les attitudes de probité afin de créer des modèles dans la société. Enfin, les sanctions. La lutte contre la corruption ne peut se faire sans sanction. Il est question de réprimer les mauvaises pratiques, les atteintes à la fortune publique. Dans toute société, l’impunité conduit au désordre. La répression est un moyen d’éducation du grand public d’où l’expression « name and shame » pour dire « désigner et blâmer » pour que nul n’ignore ce qui peut lui advenir en pareille circonstance.

La CONAC travaille-t-elle aussi dans le sens de promouvoir une gouvernance plus inclusive, qui empêcherait de faire le lit de la corruption à divers niveaux ?

En général, la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption sont intimement liées. Nous dirions même, sont consubstantielles. En démocratie, la gouvernance inclusive est la forme de gestion idéale. Prosaïquement, cette gouvernance dite inclusive est le fil conducteur des actions de la CONAC. A ce sujet, la CONAC est en partenariat avec plusieurs institutions parmi lesquelles la Business Coalition For Good Gouvernance (BCGG) ; elle conduit des programmes comme le Programme national d’éducation à l’intégrité (PNEI), implémenté dans les établissements scolaires et universitaires ; le programme Concours sans corruption (COSCO). En outre, les différentes caravanes que nous organisons à travers le pays recherchent l’adhésion des Camerounaises et Camerounais à la lutte contre la corruption et donc à la conduite des affaires publiques. L’objectif ultime est une mobilisation optimale des familles biologiques, politiques, religieuses. Bref, tout le corps social autour de la lutte contre la corruption qui est une affaire de tous. Cette implication conduit inéluctablement à une gestion imprégnée de transparence, d’éthique, de respect des règles, normes et procédures.

A ce jour, quels sont les principaux résultats obtenus dans la lutte contre la corruption?

Sans fausse modestie, le chemin parcouru est appréciable. La CONAC a évité à l’Etat de perdre des milliards dans des affaires malhonnêtes, de même qu’elle a fait rentrer dans les caisses de l’Etat des fonds qui avaient pris des directions frauduleuses. Le rapport annuel sur l’état de la lutte contre la corruption, publié chaque année, fait mention de ces chiffres. Les recommandations des enquêtes de la CONAC sont prises au sérieux. De plus en plus, avant même la mise en route des poursuites judiciaires, les agents publics reconnus coupables de pratiques de corruption sont déchargés de leur responsabilité. Cela indique qu’il n’existe plus de tolérance de corruption et infractions connexes. Sur le plan du cha...

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