« La culture ne pourra plus se passer du numérique »

Bassek Ba Kobhio, délégué général des Ecrans Noirs.

L’année 2020 a été marquée par le covid-19. Au Cameroun, les rideaux sont restés baissés sur de nombreux rendez-vous annuels. Malgré ce contexte alarmant, qu’est-ce qui vous a motivé à organiser la 24e édition du festival Ecrans Noirs ?
Il y a pour chaque pays des événements qui contribuent à dire au monde l’état de la Nation, et Écrans Noirs, sur le plan artistique et culturel, en fait modestement partie dans le cas du Cameroun. La pandémie du Covid-19 nous a tous traumatisés à son annonce et à son arrivée, mais à la date d’aujourd’hui, il convient de relever que la manière dont il a été traité par le Cameroun est quelque part exemplaire. Il fallait dire au monde que les gens continuent de vivre ici, en se méfiant toutefois de l’avenir, en prenant des précautions, en ne taquinant pas le sort. La 24ème édition d’Écrans Noirs a ainsi eu lieu, mais dans le strict respect des mesures édictées par la science et le gouvernement camerounais. Nous n’avons ainsi pas invité de participants extérieurs, mais la providentielle explosion du virtuel nous a permis d’associer à la fête tous ceux qui, à l’extérieur, voulaient y prendre part.
Que retenir de cette édition particulière du festival Ecrans Noirs dans ce contexte marqué par cette crise sanitaire ?
Il faut en retenir que ce fut une belle et bonne édition, alors que nous avions passé des semaines dans la hantise de difficultés diverses à venir, et techniques au tout premier rang. A l’arrivée, tout fut plutôt facile. Nous avons par ailleurs été largement aidés par la qualité de la production camerounaise 2019-2020. Le public pour sa part, davantage jeune, est venu très nombreux, nous replongeant dans les temps où les salles étaient toujours combles au festival.
Vous avez expérimenté le virtuel au cours de cette édition. Comment envisagez-vous cette perspective du numérique dans le nouveau monde du 7e art en particulier, et l’univers culturel en général, qui se dessine en 2021 ?
Il ne sera plus possible dans un proche avenir de se passer du numérique, et particulièrement de la visioconférence ou de la visioprojection. Les distances s’en trouvent réduites, même si l’on pourrait regretter toujours la chaleur des contacts directs et humains. Mais on ne pourra plus jamais justifier une absence par une difficulté à voyager, par un calendrier chargé, par des avions bondés. Sur le plan strict du métier cinématographique, la production et la distribution vont complètement changer. Lorsque nous commencions le festival en 1997, il fallait pour 10 films transporter quasiment 10 x 30 kilos dans les bagages ou en fret. Puis, nous sommes passés il y a une dizaine d’années, à toute la programmation de 90 films dans une valisette. Aujourd’hui, le film part de Johannesburg à Yaoundé en 15 minutes lorsqu’il est en très haute définition et que le fichier est lourd. Rien ne sera plus comme avant, même dans la formation, et nous en tenons compte dans l’ouverture de l’ISCAC prévue en septembre 2021.
Quels sont les moyens à mettre au service des artistes dans cette nouvelle façon de vivre la culture sur le plan numérique ? 
Les moyens à mettre sont relativement simples, quoique assez coûteux. Il faut que le numérique d’excellente qualité soit banalisé. Mais en même temps, il faut faire attention : le risque est grand que la qualité de la création cède le pas au fourre-tout technique, du moment que chacun pourra créer et diffuser à son gré. Les débuts du numérique, depuis la vidéo, nous l’ont prouvé à suffisance. La révolution technologique fait parfois le lit de la misère artistique. Faire des images, et faire de belles, bonnes et utiles images, ce n’est pas la m&ec...

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